France – 05/05/2022 – energiesdelamer.eu. Partie 2/2 – Les travaux de Sophie Bonnet, lauréate 2019 du prix Christian Le Provost qui participe à l’édition du 6 mai à Saint-Brieuc, pourraient faire évoluer les modélisations climatiques. Elle vient de recevoir une bourse européenne ERC Consolidator pour financer HOPE, son projet de recherche sur ce sujet.

Les deux derniers prix Christian Le Provost-Académie des sciences sont à Saint-Brieuc

Et si les océans réagissaient mieux que prévu au changement climatique ? C’est l’hypothèse, inattendue et qui demande à être étudiée, sur laquelle travaille Sophie Bonnet, la lauréate (2019) du prix « Christian Le Provost », qui intervient ce 6 mai à Saint-Brieuc lors de la huitième édition du prix avec Camille Lique, elle-même couronnée en 2021*.

Mais cette hypothèse intéresse suffisamment pour que la jeune chercheuse soit l’une des 313 lauréates 2022 de la Bourse Consolidator du Conseil européen de la recherche (ERC), qui vient de lui attribuer un budget de 2,5 millions d’euros pour financer ses recherches pendant les 5 prochaines années.

Une pompe biologique plus durable que la pompe physique

C’est que ses travaux pourraient modifier les modélisations du climat prises en compte par les experts du GIEC. Sophie Bonnet travaille en effet sur la pompe biologique à CO2 des océans qui, avec la pompe physique, leur permet d’absorber quelque 30% du CO2 d’origine anthropique. Encore mal connue et difficile à mesurer, cette pompe biologique est à la fois moins efficace que la pompe physique (qui dissout le CO2 dans les zones froides, contribuant à acidifier l’océan), mais plus durable. En effet, grâce à la photosynthèse des micro-algues dont une partie disparaît dans les profondeurs, elle permet de transporter le carbone de la zone de surface vers les fonds marins et favorise la séquestration de carbone sur des temps dits « géologiques ». « Le plancton représente les 2/3 de la masse des organismes des océans, rappelle la chercheuse, soit une production végétale équivalente à celle que l’on connaît sur Terre, alors que la masse des végétaux y est 500 fois moins importante. Cela est lié à la croissance très rapide du phytoplancton. »

Des déserts océaniques riches en diazotrophes

En revanche, d’après les derniers travaux sur le sujet, cette capacité d’absorption du CO2 par les océans diminuerait sous l’effet du changement climatique. Autre effet de ce réchauffement : les « déserts océaniques » qui représentent 60% de la surface des océans, s’étendent de près de 5% chaque année.

Ce sont précisément ces zones situées pour la plupart en régions intertropicales, éloignées des côtes et plus encore des laboratoires des grandes puissances océaniques, qui passionnent Sophie Bonnet. Des zones que l’on pensait jusqu’alors pauvres en nutriments, et pour cette raison, inefficaces en termes d’absorption de CO2.

Mais, c’était sans compter avec les diazotrophes, des micro-organismes du plancton capables de métaboliser l’azote de l’air et d’en fournir à l’ensemble de la chaîne alimentaire. Et ainsi, de fertiliser à grande échelle et de créer, sous certaines conditions, des efflorescences géantes, de véritables « oasis de vie et de séquestration de CO2 » en plein désert. « Capables de s’affranchir de la dépendance à l’azote, les diazotrophes ont en revanche de gros besoins en fer », précise Sophie Bonnet. Des besoins qui peuvent être comblés notamment par les éruptions de volcans sous-marins, qui contribuent donc à la formation de « hot spots » de productivité et de séquestration de carbone semblables, voire supérieures à celles que l’on trouve dans les zones océaniques tempérées. Ces découvertes ont été réalisées lors de l’expédition Tonga coordonnée par la biogéochimiste et sa collègue Cécile Guieu, réunissant 110 scientifiques issus de 21 laboratoires internationaux, dont 30 à bord de l’Atalante, navire multidisciplinaire de la flotte océanographique française.

Moteurs de la productivité océanique de demain

La bonne nouvelle, c’est que « les diazotrophes semblent adorer la chaleur et l’acidité ». Ce qui en fait potentiellement des « acteurs clés dans le maintien de la productivité de l’océan du futur. » Mais pour mieux connaître quelle pourrait être leur contribution à l’atténuation du changement climatique, des études plus poussées s’imposent. C’est précisément l’objet des recherches que Sophie Bonnet s’apprête à mener ces prochaines années dans le cadre du projet HOPE financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC). Notamment, en déployant une bouée intelligente capable d’enregistrer des données entre la surface et 500 m de profondeur toutes les quatre heures pendant trois ans, permettant de cartographier l’export de carbone vers les profondeurs attribué aux diazotrophes. Une finesse de mesure que ne permettent pas les stations d’observation, plutôt calées sur des mesures hebdomadaires ou mensuelles, ni les robots sous-marins équipés de capteurs optiques, inadaptés à la complexité microbiologique de nos océans.

Pour ce faire, Sophie Bonnet s’apprête à recruter six ou sept personnes pour compléter l’équipe composée d’une dizaine de ses collègues.

 

Sophie Bonnet est Océanographe (Directrice de recherche IRD) à l’Institut Méditerranéen d’Océanographie à Marseille. Les travaux de Sophie Bonnet pourraient faire évoluer les connaissances sur la capacité de nos océans à séquestrer du CO2

Sophie Bonnet, est l’invitée d’honneur de l’espace Sea-Research à euromaritime à Marseille le 29 juin, dans le cadre des ateliers de La Touline et la Cité des Métiers, organisés par B-BC energiesdelamer.eu et MerVeille Energie, avec la participation de WestMed, Armines/ GROOM….

 

POINTS DE REPÈRE

Le volet développé dans l’ERC s’attache au devenir de ces diazotrophes dans l’océan, et à leur capacité à séquestrer du CO2. Au vu de leur importance future probable, nous avons besoin de comprendre leur capacité à séquestrer du dioxyde de carbone dans l’océan d’aujourd’hui, pour comprendre et modéliser leur rôle dans l’océan de demain. » Avec ce financement Sophie Bonnet pourra développer une colonne d’eau automatisée nommée SOCRATE (pour Simulated OCean wateR column with AutomaTEd sampling) conçue pour le projet avec les ingénieurs Jean-Michel Grisoni et Julien Vincenti. Elle pourra y étudier la sédimentation des diazotrophes et les flux trophiques à la fois en laboratoire à Marseille et dans le Pacifique Sud, où SOCRATE embarquera à bord des expéditions océanographiques prévues à compter de 2024.

Légende de la photo de « Une » © IRD-CNRS, Thibaut Vergoz.
Un incubateur thermostaté de la plateforme Culture du MIO conserve différentes sources du phytoplancton isolées lors des campagnes océanographiques menées par Sophie Bonnet dans le Pacifique Sud, central et autour de la Nouvelle-Calédonie. Source IRD Mag.

Comment l’Arctique aide à déchiffrer le changement climatique ! avec Camille Lique, Prix Christian Le Provost

* Faute au Covid, le prix « Christian Le Provost » qui est fait l’objet tous les deux ans d’une conférence le matin à Saint-Brieuc au Conseil général des Côtes d’Armor, suivie l’après-midi de conférences scientifiques « au Cap » de Plérin, n’avait pas pu se tenir. Seules, les cérémonies officielles à l’Académie des sciences à Paris pour la remise des deux prix 2019 et 2021, de 15.000 € chacun savaient pu se tenir.

L’évènement scientifique « Prix Christian Le Provost » se tient le 6 mai 2022

 


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