France – 25/01/2022 – energiesdelamer.eu. Chantal Jouanno, présidente de la CNDP, annonce la nomination prochaine de délégués régionaux afin d’améliorer la participation des élus aux débats publics sur les projets d’éolien en mer. Interview exclusive à energiesdelamer.eu

Quelles mutualisations peut-on opérer entre les différents débats publics sur l’éolien en mer ?

CJ. Les procédures, telles que les ateliers cartographiques, sont mutualisées. Mais la CNDP ne disposant pas d’équipe en interne, une nouvelle équipe doit être reconstituée pour chaque débat.

Quoi qu’il en soit, le débat mené sur la Normandie, par exemple, n’est pas du tout transposable à la Méditerranée. Si dans les deux cas il s’agit de définir un zonage, la demande est très différente d’un cas à l’autre. Pour la Normandie, les contraintes sont fortes, avec déjà six parcs, un trafic maritime dense et une activité de pêche importante, surtout dans le contexte du Brexit. Les engagements pris par l’Etat – dont celui d’exploiter le retour d’expérience des fermes pilotes en Méditerranée – ou encore le contexte socio-économique et touristique ne sont pas non plus les mêmes.

Pour les impacts sur la faune et la flore, ne pourrait-on pas exploiter les retours d’expérience de projets menés à l’étranger ?

CJ. Les opérateurs partagent systématiquement leurs connaissances environnementales. Les impacts des travaux sur les espèces ou les récifs sont assez bien documentés, mais pas ceux sur les oiseaux, notamment migrateurs, dont les comportements restent encore méconnus. De toutes façons, ce qu’attendent les citoyens, c’est de connaître l’impact local, sur la zone qui les intéresse.

En quoi la teneur des débats a-t-elle évolué au fil du temps ?

CJ. La réalité du changement climatique et la nécessité de la transition écologique – et pas seulement énergétique – sont acquises. Ce qui n’était pas le cas il y trois ans. Mais les modalités continuent de faire débat. Notamment sur la sobriété, l’efficacité énergétique et les différents modes de production d’énergie. Cette pluralité des solutions se reflète d’ailleurs dans les scénarios Ademe ou RTE. Hormis certains pro-nucléaires historiques, rares sont ceux qui nient le rôle de l’éolien offshore. Les dernières annonces sur le sujet (telles que l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne) vont raviver ce débat entre pro-renouvelables et pro-nucléaire.

Une partie de l’opposition aux projets d’éoliens en mer provient d’une méconnaissance du sujet climat. Ne faudrait-il pas faire précéder les débats d’une acculturation au sujet ?

CJ. On fait toujours de l’éducation au changement climatique. Mais la politique énergétique du gouvernement reste très techno. Pourtant nous poursuivons tous le même objectif : le ministère souhaite que le public y adhère ; les journalistes, qu’il le comprenne ; et nous, CNDP, qu’il participe.

Quelles sont les principales critiques que vous rencontrez ?

CJ. Une critique récurrente, c’est que « ça ne sert à rien et c’est long. » Or il est essentiel de recueillir la parole du grand public. C’est pour cette raison que nous avons ajouté un principe d’inclusion aux principes généraux, et que nous nous efforçons d’aller chercher le public le plus éloigné. Par exemple, en travaillant avec ATD Quart-Monde.

La participation des élus locaux aux débats est-elle satisfaisante ?

CJ. Les présidents des débats publics rendent systématiquement visite aux élus, en commençant par les régions. Mais le débat Méditerranée, par exemple, portait sur près de 400 km de côtes et plusieurs centaines de communes. Or le nombre de participants est limité. A l’exception d’élus très volontaristes comme en Bretagne, les Régions restent toujours en retrait et les élus sont frileux et attentistes avant de connaître les positions locales. Pour améliorer la participation des élus locaux, nous allons nommer des délégués régionaux de la CNDP. Le principe en a été créé par la loi de 2017 et le décret est paru en 2021. Les candidatures sont en cours de sélection. Certaines régions qui n’ont pas proposé de candidats seront regroupées avec d’autres. Mais, déjà seront bientôt annoncées celle d’Etienne Ballan en Méditerranée ainsi que celle de Jacques Archambault en Bourgogne.

Quelles relations entretenez-vous avec des instituts internationaux ?

CJ. Nous avons noué des liens avec l’Italie ou le Canada par exemple. Mais le temps et les ressources nous manquent pour développer des liens plus formalisés. A l’échelle européenne, c’est la mise en place de la Convention d’Aarhus* qui doit primer. Déjà, en remplaçant l’intégralité de l’équipe, en nous dotant d’outils numériques performants, nous sommes passés d’une institution artisanale à une institution industrielle.

Comment la place de la mer a-t-elle évolué au fil du temps ?

CJ. Comme le Grenelle de l’Environnement, le Grenelle de la Mer n’a jamais été appliqué. Mais ce que l’un et l’autre ont dit et écrit reste vrai. A cela s’ajoute un problème institutionnel concernant le Ministère de la Mer, qui est un peu partout (Ndrl compétences partagées avec différents ministères). Pour la CNDP, la place de la mer est liée à la quantité de saisines qui y sont liées.

Les énergies de la mer sont passées d’objectifs très artisanaux, avec de premiers parcs petits et très chers, à une vision de développement réellement industriel. Mais ce saut d’échelle se fait sans que les structures destinées à planifier et organiser les choses suivent.

Nous sommes aujourd’hui au pied du mur, face à un arbitrage énorme et des décisions énergétiques s’imposent. Mais elles ne doivent pas échapper au débat et il est légitime que les personnes vivant à proximité de projets de production d’énergie puissent s’exprimer.

Combien coûte un débat et combien de temps cela prend-il ?

CJ. Le coût dépend de la nature du projet, s’il est national ou territorial…Il s’élève à environ 1,5 million d’euros par façade maritime pour de l’éolien en mer.

Quatre mois de débat, c’est une durée suffisante. Le plus long, c’est la phase de mobilisation. La préparation en amont peut également prendre du temps. Ce que nous demandons aux maîtres d’ouvrage, c’est de nous fournir des dossiers compréhensibles, qui ne fassent pas l’impasse sur les sujets qui fâchent. Les dossiers restent en général faibles quant aux aspects environnementaux, mais un cadrage préalable par l’Autorité environnementale permet d’accélérer la constitution du dossier.

  • Sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement

POINTS DE REPÈRE

Deux débats autour de l’éolien en mer sont actuellement en cours.

Celui de Nouvelle-Aquitaine présidé par Francis Beaucire qui organise notamment ce soir une réunion en ligne sur le raccordement avec RTE et jeudi 27 janvier des auditions scientifiques pour des expertises complémentaires scientifiques et d’experts.  Pour vous inscrire au webinaire de 14h à 18h, c’est ICI.

Pour la concertation du projet Centre Manche 2 au large de Barfleur les rencontres sont lancés depuis le 3 janvier. Il se tient jusqu’au 16 mai avec une trêve durant les élections présidentielles. Il est dans la continuité du débat public Normandie Centre Manche 1 qui s’est tenu du 15 novembre 2019 au 20 août 2020.

21/10/2021 – L’Appel de Pornic – Les Journées d’Etudes de l’ANEL

07/10/2021 – Les élus, membres de l’association nationale des élus du littoral (ANEL), souhaitent s’emparer des dossiers sur les énergies renouvelables de la mer – ITV exclusive de Claire Hugues VP Région Pays de la Loire à l’occasion des Journées d’études annuelles de l’ANEL.

13/12/2021 – Bilan de 11 ans de débats sur l’éolien en mer : Des attentes déçues en termes d’intégration locale, de données environnementales et plus largement de prise en compte des arguments des citoyens font le lit des oppositions aux projets de parcs offshore. Pour y remédier, la Commission nationale du débat public préconise de mieux favoriser le droit à la participation.


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