France – Mercredi 04 /09/2019 – energiesdelamer.eu – Bureau Veritas et ses partenaires pour le projet RealTide* ont organisé hier un worshop à l’occasion d’EWTEC. Ocean Energy Europe qui se tient à la fin du mois réunira les grands leaders de l’hydrolien à Dublin. Le SER doit mettre demain l’hydrolien à l’ordre du jour d’une réunion avec l’ADEME. 

Mais qu’est-ce qui bloque le développement et la commercialisation de hydrolien en France : ITV de Jean-François Daviau, membre du CA de la société Sabella.

 

 

Toujours actionnaire et membre du Conseil d’administration de Sabella, Jean-François Daviau qui a pris une retraite toute relative le 10 juillet dernier poursuit ses activités institutionnelles.

L’interrogation reste entière alors que d’autres pays européens mettent un coup d’accélérateur sur cette technologie et que la Commission européenne vient d’y réaffecter des « queues de budget » non utilisés.

Quels freins en France ralentissent le déploiement de la technologie des hydroliennes alors que l’Ile de Ouessant mise avec Akuo Energy, la Région Bretagne, EDF SEI sur l’hydrolienne Sabella, HydroQuest Ocean est en test à Paimpol-Bréhat, Guinard Energies présentera le 16 septembre prochain les solutions d’électrifications décarbonées pour la Polynésie Française aux 15 membres du jury du concours Tech4Islands Awards.

 

EDM – Qu’est-ce qui bloque ? Faut-il plus de lobbing auprès des autorités administratives françaises ? Est-il encore temps pour que la production d’énergie électrique par des hydroliennes soit prise en compte dans la PPE ?

Jean-François Daviau (JFD) – Concernant les problèmes de financement, il s’agit moins de ce qui concerne la R&D en tant que telle, car les véhicules de financement de briques technologiques existent, tant français qu’européens, que du financement de la maturation technologique de la filière. Pour ce faire, cette maturation, devant conduire à la conviction des décideurs publics de l’intérêt de cette filière énergétique, nécessite des projets de premières fermes permettant de démontrer la fiabilité, la maintenabilité, les performances, la compétitivité économique future de l’hydrolien.

Aujourd’hui, l’Etat français étaye sa perplexité pour l’hydrolien sur une incapacité supposée de réduire ses coûts, face à la complexité de mise au point d’une implantation sous-marine. Certes, les coûts actuels de ces technologies conduisent à des productions entre 300 et 500€/MWh, mais soulignons que ces coûts sont issus de prototypes unitaires qui portent les dépenses de premiers développements et ne bénéficient pas d’effet de série. Ils ne sont bien évidemment pas des références pertinentes.

Les modélisations de courbes de décroissance de coûts, avec toutes les incertitudes engendrées par des technologies non encore stabilisées, et des architectures industrielles encore à définir, convergent pour montrer un très fort potentiel de réduction. L’hydrolien devrait afficher à terme des LCOE inférieurs à 100€/MWh selon différents modèles publics ou privés.

Pour référence, soulignons que l’éolien offshore posé, filière techniquement mature et s’appuyant désormais sur des marchés de volume, a montré en moins de 10 ans une capacité de réduire ses coûts par trois entre les premiers AO français à plus de 200€/MWh et le dernier à moins de 50€/MWh (pas exactement à « iso-scope »)*.

 

Donc il y a matière de croire à une prospective prometteuse pour l’hydrolien. C’est le crédo de l’Europe, si ce n’est celui de la France avec sa faible faculté et ambition de projection future au-delà de son conservatisme énergétique. Ceci a encore été démontré tout dernièrement pour corriger une programmation timorée de l’éolien offshore sous la pression justifiée de l’ensemble des acteurs publics et privés.

 

EDM – Pensez-vous que le projet PHARES mené par AKUO, la Région Bretagne, EDF SEI avec deux hydroliennes D12 de Sabella dans le Fromveur permettra d’ouvrir ou de réouvrir un appel pour des hydroliennes dans le Fromveur et le Raz Blanchard ?

 

JFD – Le projet PHARES s’inscrit résolument dans le besoin de projets de fermes, tel qu’évoqué précédemment. Il devrait rationnellement permettre d’augurer des suites à travers d’autres fermes de plus grandes tailles. Ce n’est cependant pas la logique de l’Etat à ce jour, qui visualise dans PHARES un positionnement de l’hydrolien exclusivement sur le marché des ZNI (Zones Non Interconnectées) où l’électricité y est très chère car basée sur un modèle à base de ressources fossiles importées. Cependant, hormis les trois petites îles du Ponant de la pointe Bretagne, le marché des ZNI n’est pas en localisé France, et très faiblement dans les territoires ultra-marins.

Dans cette logique purement économique et nullement industrielle, les fermes de plus grande puissance (10 à 30MW) dans le Fromveur ou le Raz Blanchard à raccorder au réseau interconnecté, permettant d’asseoir les technologies françaises, n’ont que peu de chance de voir le jour.

A contrario, l’Europe pousse ce type de projets, consciente que cette filière émergente a été initiée et développée par des acteurs européens et sur ses fonds publics. Ces acteurs ont certes aujourd’hui une avance technologique, mais sont en recherche de marchés stables et de volume pour pouvoir asseoir des premiers déploiements industriels leur permettant de réduire significativement leurs couts de production et de maintenir leur avantage concurrentiel.

 

EDM – La commission européenne va reverser à trois projets des financements non utilisés par le NER300, notamment pour WaveRoller. L’objectif est de combler le fossé entre l’installation de démonstration et le déploiement
 commercial. Vous avez souvent mentionné que c’était l’étape point faible des financements de la R&D pour les start-ups.Pensez-vous que les fonds non utilisés en France par les ministères de la recherche et de la Transition énergétique ou les conseils régionaux avec les Fonds FEDER pourraient faire l’objet d’un tel transfert de ligne ? et quelles seraient vos recommandations ?

 

JFD – Encore une fois, l’Europe est clairement motrice d’une stratégie industrielle de la filière EMR, et souhaite favoriser son essor en incitant les nations en charge à agir dans ce domaine. Les déclarations très volontaristes du commissaire européen Karmenu Vuella pour voir la France et le UK s’impliquer dans l’hydrolien sont très éclairantes. Néanmoins quel est le réel pouvoir d’incitation de l’Europe auprès de ces nations dans l’affectation des fonds FEDER attribués ? L’enjeu est ici clairement industriel. Et il devient évident que certains pays développés, à l’instar de certaines provinces du Canada, ayant des modèles énergétiques très carbonés et disposant de ressources hydrocinétiques importantes permettant une substitution, ambitionnent des implantations d’usines d’hydroliennes sur leur territoire et courtisent pour ce faire les industriels étrangers dans des premiers projets qualifiants.

Le risque pour l’Europe est bien là : avoir identifié sur ses littoraux des gisements hydroliens importants, avoir développé des technologies innovantes et ne pas avoir su leur ouvrir à temps un premier marché domestique permettant d’asseoir une industrie résidente pour les rendre compétitives tant en local qu’à l’export. D’autres pays concurrents ont compris que moyennant cet effort, ils s’affranchiraient du « ticket d’entrée » technologique déjà payé et bénéficieraient des retombées d’un déploiement industriel.

 

EDM – Financement des thèses et des thésards. Depuis le début du projet, Sabella a-t-elle fait l’objet thèses et certaines ont-elles été des financements de thèses dans le cadre de conventions CIFRE. Quels sont les avantages pour l’entreprise et les thésards ?

JFD – Depuis sa création, SABELLA n’a finalement jamais financé / cofinancé de thèse, bien que les sujets autour de l’hydrolien aient été très largement explorés dans ces phases d’investigation conceptuelle et de recherche d’architecture stabilisée ou générique. Principalement en UK, de très nombreux projets ont été portés par des thèses académiques débouchant sur des concepts des plus exotiques, et ont été finalement abandonnés.

Pour sa part, tout au long de ses dernières années, SABELLA a offert beaucoup de stages de fin de cursus d’ingénieur (ENSTA, Centrale, ENSIEG, SEATECH, etc.) pour travailler sur des briques technologiques. Ces stages ont très souvent conduit à des embauches.
Tant pour l’entreprise que pour les écoles, ces stages ont permis de développer et de crédibiliser la filière.

 

EDM – En Europe, le Royaume-Uni possède l’une des meilleures ressources énergétiques marines du monde avec pour le houlomoteur : 43 GW et l’hydrolien: 32 GW selon les chiffres de la NSRI. En France les puissances potentielles établies sont pour le houlomoteur : 14 GW et pour l’hydrolien : 3 GW, soit l’équivalent des 7 appels d’offres français pour l’éolien offshore. Les 23 développeurs britanniques de technologies marémotrices déjà référencés ne sont actuellement rivalisés que par les États-Unis (19), alors que leur nombre augmente en France, au Canada, en Australie et en Norvège. Le portail MESCG (Marine Energy Supply Chain) avait répertorié plus de 850 sociétés réparties dans tout le Royaume-Uni, actuellement actives ou en mesure de participer à ce secteur. A combien estimez-vous le nombre en France ?

 

JFD – Je n’ai bien évidemment pas de statistiques personnelles, mais s’appuyant sur celles publiées par l’Observatoire des EMR, à l’instar d’ORE CATAPULT et de son MESCG, et surtout sur l’analyse du Cluster Maritime Français, il convient de constater que cette filière nationale de 350 acteurs évolue en 2019 entre morosité et interrogation avec des chiffres d’ETP en retrait par rapport à 2016. Certes les grands industriels positionnés dans l’hydrolien avec des stratégies d’ouverture de marché de masse avant l’heure et sans technologies éprouvées, et qui ont tant annoncé et projeté pour finalement abandonner, ont largement décrédibiliser cette industrie naissante. Aujourd’hui, celle-ci est portée par des PME ayant des stratégies de plus petits pas pour continuer de convaincre et progresser.

Bien difficile de faire de la prospective dans ce contexte national, avec une PPE encore trop centrée sur les énergies matures, avec des volumes d’éoliens offshore arrachés de haute lutte par les acteurs industriels et territoriaux, et en retrait sur la programmation précédente pour ce qui concerne les énergies marines nouvelles et sans ouverture visible à terme.

Face à ce manque d’ambition hexagonale, le salut des acteurs français s’inscrit résolument à l’international.
 Peut-on encore croire à une croissance bleue tricolore ?

 

EDM – Si vous deviez formuler un souhait pour le secteur hydrolien, quel serait-il ?
 et au delà de l’ouverture du marché quelles sont aujourd’hui les contraintes que rencontre une start up comme SABELLA ?

 

JFD – Les deux contraintes majeures qui pèsent actuellement sur une PME dans l’hydrolien tiennent d’une part à sa capacité dans ce contexte assez peu lisible à lever encore des financements pour se développer à l’export et pour préparer l’industrialisation de ses turbines avec des process plus rationnels et économiques. D’autre part, aujourd’hui contrainte de prospecter auprès de futurs clients énergéticiens, et en première discussion pour contractualiser des premières commandes, l’entreprise est déjà confrontée à l’obligation de mise en place de cautions et de garanties. Ceci renvoie à sa surface financière et à la vocation de son actionnariat.

Ces deux contraintes pousseront les PME du domaine, arrivées à ce stade de développement, à repenser la structure de leur actionnariat. Pour réussir la suite de l’aventure désormais plus industrielle et commerciale, il faudra trouver des investisseurs pour accompagner cette nouvelle phase de développement plus mobilisatrice de fonds et à plus longue exposition.

 

Jean-François Daviau n’a pas manqué de déclarer en conclusion qu’il « suivra toujours avec passion les suites et progrès de l’aventure Sabella. Convaincu par l’hydrolien avant l’heure, je reste encore quelque peu impliqué auprès des organes de promotion des EMR, et fidèle à l’action du territoire dans le domaine« .

 

Photo Sabella parue dans l’article du 12/04/2019 

 

Points de repère

 

Pour en savoir + consultez la fiche entreprise sur Sabella dans le Business Guide, les articles publiés sur le site energiesdelamer.eu depuis 2012 y sont répertoriés.

 

 

29/08/2019 – Le workshop du programme RealTide*  a pour thème Améliorer la fiabilité des hydroliennes marines et la meilleure connaissance des caractéristiques des courants de marée : les clés pour la commercialisation des hydroliennes

 

Free Tidal Energy Webinar: Discover the 2019 Roadmap to Commercial Deployment with SIMEC Atlantis & Sabella

 

Pour s’inscrire : http://bit.ly/2jUEnoK 

Un webinar organisé par New Energy Update se tiendra le 6 septembre entre 11h et 12h auquel participeront notamment Marlène Moutel, ingénieur en développement des affaires, Sabella et Drew Blaxland, Director of Turbine and Engineering Services, SIMEC Atlantis.

Comment interpréter au mieux la position actuelle du gouvernement sur la politique de financement de l’énergie marémotrice dans le paysage plus vaste des énergies renouvelables. Le thème est :

Comment les besoins des développeurs de marées en ce qui concerne leurs chaînes d’approvisionnement changeront probablement avec le temps, à mesure que l’industrie évolue
Comment positionner au mieux votre projet pour de meilleures perspectives d’investissement et favoriser un déploiement commercial
Comment l’industrie marémotrice peut-elle et profite-t-elle aux communautés locales au sein desquelles résident nos principaux projets?

 

 

Pour s’inscrire ICI

27/08/2019 – L’hydrolienne d’Orbital Marine Power, premier récipiendaire du fonds Saltire écossais 

 


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