France – 27/09/2025 – energiesdelamer.eu. Spécial Port du Futur – interview partie 1

Président de MGH Energie et membre de l’Académie de marine, Jean-Michel Germa travaille notamment sur un ambitieux projet de production d’e-carburants au Maroc. Selon lui, cette nouvelle génération de carburants décarbonés va changer la donne pour le transport maritime (et aérien), mais aussi impacter les routes maritimes et le fonctionnement des ports, en France et dans le monde.  

Vous êtes un pionnier des énergies renouvelables, et un fin connaisseur du monde maritime, en France et à l’international. De façon générale, comment voyez-vous les perspectives pour les ports – et en particulier pour les ports français ?

Je connais assez bien en effet le monde des énergies, mais beaucoup moins celui des ports. Je m’en tiendrai donc à l’aspect énergétique/environnement et à son impact sur les ports et le transport maritime. Or selon un rapport du Département britannique des transports publié récemment dans la revue « Offshore Energy », l’ère du pétrole maritime « est » terminée. Le même constat vaut pour la France : certes, le trafic devrait continuer d’augmenter jusque vers 2050 ; mais cela concerne surtout le vrac sec et les conteneurs. Le vrac liquide – c’est-à-dire avant tout les produits pétroliers – lui, va diminuer. Il s’agirait d’une tendance lourde, liée notamment à l’objectif « net zéro » émission de CO2 fixé par les autorités pour le transport maritime. Cet objectif de décarbonation va se traduire, à moyen terme, par une inversion des parts – ou au moins une évolution différenciée – entre vrac sec et produits pétroliers.

Déclin progressif des produits pétroliers, essor des carburants de synthèse, donc. Pourquoi ce basculement ?

Pour deux raisons. D’abord, l’heure est à l’électrification des usages par les ports et leur hinterland, aussi bien en France qu’un peu partout dans le monde. Nous sommes dans une phase de transition énergétique et technologique. Nous devons prendre en compte ce phénomène. S’ajoute à cela un autre mouvement : la substitution des approvisionnements maritimes en pétrole et ses dérivés par des carburants de synthèse : e-méthane, e-ammoniac, e-kérosène… Cela signifie qu’une partie significative – et croissante – du transport de pétrole et de gaz va être remplacée par le transport de ces nouveaux carburants.

 

Où seront produits ces carburants de synthèse ?

La production de ces nouveaux carburants nécessite beaucoup de vent et de soleil, de préférence dans des zones désertiques ou semi-désertiques. De nombreuses régions dans le monde répondent à ces critères : en Afrique, il y a le Maghreb et les pays subsahéliens, l’Afrique du Sud, la Namibie… Sur le continent américain, une bonne partie de l’Amérique du Sud s’y prête, mais aussi les Etats-Unis et le Canada, pour partie. En Asie, on peut citer la Chine et aussi l’Inde – même s’il est préférable de disposer de zones peu peuplées. Au Moyen-Orient, Oman, le Yemen, l’Arabie saoudite ou le Qatar disposent de ressources très significatives… Enfin, une partie de la Russie bénéficie de beaucoup de vent, mais de peu de soleil…

 » Les carburants de synthèse vont permettre de décarboner plus de 70 % du transport maritime et 90 % du transport aérien  » 

Et en Europe ?

Les perspectives de développement des e-carburants y sont rares, notamment parce que l’Europe est un territoire densément peuplé, et que ses ressources en énergie primaire renouvelable (vent et soleil) sont médiocres. Certains pays comme l’Espagne ou le Portugal disposent cependant d’un ensoleillement important. Et dans le nord du Vieux Continent, la Norvège peut tabler sur l’éolien. Elle s’intéresse d’ailleurs déjà à la production de carburants de synthèse. Mais de façon générale, ces productions nécessitent des surfaces considérables.

 

Dans l’ensemble, l’Europe n’est donc pas très bien lotie…

Elle devra s’adapter. De toute façon, le problème ne date pas d’hier : l’Europe n’a jamais disposé de ressources importantes en énergie primaire. Elle a commencé à développer son industrie avec le charbon, qui a fait sa richesse. Mais quand le pétrole est arrivé, elle a dû aller le chercher là où on en trouvait en abondance.

 

Quelles conséquences pour le trafic maritime et pour les grands ports internationaux ? Va-t-on voir apparaître de nouvelles routes, comme les fameuses  » routes de la soie  » ?

Les carburants de synthèse, qui vont permettre de décarboner plus de 70 % du transport maritime et 90 % du transport aérien, ne seront en général pas fabriqués aux mêmes endroits que les produits pétroliers traditionnels. Et une fois produits, ils devront être acheminés vers leur destination d’usage. Cela va donner lieu à l’essor de nouvelles routes maritimes, en lien avec les zones de production. Le Maroc, par exemple, où nous sommes en train de développer un projet, construit un port sur l’Atlantique, à proximité d’une zone désertique où vont être produites de grandes quantités d’e-ammoniac. Le Maroc va ainsi devenir une sorte de  » station-service  » pour l’Europe, donnant lieu à l’ouverture d’une nouvelle route maritime importante. De même, une nouvelle route devrait s’ouvrir entre l’Afrique du Sud ou la Namibie et l’Europe. Mais tout cela n’aboutira pas à un bouleversement complet : certaines routes actuelles vont perdurer. Le Moyen-Orient, par exemple, sera aussi une source importante de produits décarbonés.

 

Les ports vont donc devoir adapter leur fonctionnement et leur organisation…

la suite

 

Jean-Michel Germa : « Pour les ports, il y a de nouvelles opportunités de développement » – 2 

POINTS DE REPÈRE

 

Cette année, les Assises de « Port du Futur » sont accueillies par Haropa, et se tiennent les 29 et 30 septembre à l’ENSM au Havre, avec notamment le soutien de la ville du Havre et de son maire, Edouard Philippe, ancien Premier ministre.  L’ENSM est présidée par Frédéric Moncany et dirigée par François Lambert

Le Cerema présidé par Marie-Claude Jarrot, Présidente Maire de Montceau-les-Mines est dirigé par Pascal Berteaud. Initié par la DGITM et le Cerema en 2011, l’événement « Port du Futur » qui se tient tous les ans dans une ville portuaire, notamment par la Direction technique Risques, Eaux, Mer du Cerema, dirigée par Sébastien Dupray.

Le Cerema est membre du Business Directory.

 

15e assises de Port du Futur

Abonnez-vous aux articles complets, publiés dans les newsletters, ou inscrivez-vous gratuitement au Fil info de l’agence de presse d’energiesdelamer.eu.

Avec l’abonnement (nominatif et individuel) l’accès est illimité à tous les articles publiés.
Abonnements : Aziliz Le Grand – Mer Veille Energie

Suivez-nous sur les réseaux sociaux Linkedin et Facebook

Le Business Directory est le répertoire des membres soutiens d’energiesdelamer.eu. Les adhésions des membres permettent l’accès gratuit aux articles publiés sur leurs activités par energiesdelamer.eu. Véritable outil de veille et de documentation, la database comprend 11 155 articles d’actualité qui ont été indexés quotidiennement, depuis août 2007.

 


Ne copiez pas l’article, copiez le lien, vous protégez ainsi les droits d’auteur de notre équipe rédactionnelle.


Publicités Google :