AIFM – 01/11/2025 – energiesdelamer.eu.

« Je suis ravie de célébrer cette première Journée internationale des grands fonds marins », écrit Leticia Carvalho, la secrétaire générale de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) dans une tribune publiée le 30 octobre sur le site Mongabay, l’association à but non lucratif.

Pour la première fois, ce 1er novembre 2025, célébre une journée dédiée à la grande biodiversité des mystérieux fonds marins de la planète et à leur rôle potentiel dans l’avenir du progrès de l’humanité, tout en réaffirmant que la recherche d’un consensus entre les États membres et les acteurs non gouvernementaux demeure essentielle pour garantir sa gestion responsable.

 

Leticia Reis de Carvalho Secrétaire générale de l’AIFM

« Ensemble, en respectant nos engagements au titre du droit de la mer, nous pouvons faire en sorte que cette dernière grande frontière reste une source d’émerveillement, de découverte, d’opportunités et de bénéfices partagés pour toute l’humanité ».

 

Sous les vagues de la haute mer, au-delà des frontières nationales de tout pays, se trouve le fond marin profond. Connu en droit international sous le nom de « Zone », il couvre 54 % de l’océan mondial et se situe à des profondeurs allant de 200 à 10 000 mètres (de 660 à près de 33 000 pieds) sous la surface de l’océan.

Elle abrite des formations géologiques et des écosystèmes anciens que la plupart d’entre nous peinent à imaginer : plaines abyssales, monts sous-marins et sources hydrothermales, dont certaines culminent à 35 mètres de hauteur, fruits de millions d’années de formation. Ces écosystèmes prospèrent dans des conditions extrêmes : obscurité perpétuelle, pression élevée et températures proches de zéro. Malgré ces circonstances, la vie y trouve sa place, puisant son énergie principalement dans des sources chimiques plutôt que solaires.

 

Une méduse (famille des Rhopolonematidae) photographiée à environ 3 000 mètres (9 800 pieds) de profondeur au mont sous-marin Utu aux Samoa américaines en 2017. Image courtoisie de NOAA Ocean Exploration via Flickr (CC BY-SA 2.0).

 

Les processus géologiques de la région ont donné naissance à de riches ressources minérales, notamment des nodules polymétalliques, des sulfures polymétalliques et des croûtes ferromanganèse riches en cobalt, qui pourraient jouer un rôle dans le progrès futur de l’humanité.

 

Proposée par les gouvernements des Fidji, de la Jamaïque, de Malte et de Singapour, cette initiative témoigne d’un engagement commun à sensibiliser le public à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à son Accord de mise en œuvre de 1994. Ces accords ont donné naissance à l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), chargée de garantir collectivement une gestion et une protection équitables des ressources des grands fonds marins, pour tous les pays, enclavés ou côtiers, du Sud au Nord, pour les générations présentes et futures.

 

Il y a près de soixante ans, un diplomate maltais visionnaire du nom d’Arvid Pardo s’est adressé aux Nations Unies et a plaidé pour que les richesses des grands fonds marins ne deviennent pas la propriété privée d’une poignée de puissants. Elles devaient au contraire être considérées comme un patrimoine commun, à utiliser à des fins pacifiques et pour le bien de tous. Ce concept, l’idée que certaines parties de notre monde ne peuvent appartenir à aucun État ni à aucune entité privée, représente une grande aspiration : que les ressources minérales des grands fonds marins soient considérées comme le patrimoine commun de toute l’humanité.

La vision d’Arvid Pardo a contribué au mandat de l’ISA, l’organisation que j’ai aujourd’hui l’honneur de diriger en tant que secrétaire générale.

La Journée internationale des grands fonds marins nous invite à nous appuyer sur ces fondements visionnaires et à regarder au-delà de nos horizons habituels, à réfléchir – peut-être pour la toute première fois – à une partie de notre planète que la plupart des gens ne verront ni ne prendront jamais en considération.

Les sulfures polymétalliques constituent un type de gisement minéral qui sera ciblé par l’exploitation minière en eaux profondes. Image de l’IFREMER

 

Par son mandat, l’AIFM, qui compte aujourd’hui 170 États membres et l’Union européenne, agit comme un organisme de gestion chargé d’organiser et de contrôler les activités des grands fonds marins , y compris l’exploration et l’exploitation potentielle, afin de garantir que les avantages soient partagés équitablement, en particulier avec une attention particulière aux États en développement, et que l’environnement soit protégé grâce à des progrès continus dans les domaines de la science, de la technologie et de l’innovation.

Cela est d’autant plus important que les grands fonds marins ne relèvent plus de la science-fiction. Grâce aux progrès technologiques qui permettent une extraction de précision et de sélectivité accrue, nous pourrons accéder aux minéraux de ces profondeurs abyssales. Leur potentiel pour la transition énergétique pourrait être considérable. Dès lors, une question s’impose : à quel prix et dans quelles conditions ces ressources doivent-elles être exploitées ?

C’est pourquoi des organisations comme la nôtre s’appuient fermement sur des concepts tels que le principe de précaution , une stratégie de gestion des risques selon laquelle, face à un risque potentiel pour la santé humaine ou l’environnement, des mesures préventives sont prises même en l’absence de compréhension scientifique complète ; et l’approche évolutive, selon laquelle nous faisons évoluer les normes et les lignes directrices au fur et à mesure que nous testons et obtenons des informations plus nombreuses et de meilleure qualité afin d’améliorer notre prise de décision.

Il est essentiel que nous soyons également guidés par des règles qui fournissent une feuille de route claire à ceux qui participent à ces activités, grâce à lesquelles nous pouvons contrôler et garantir la transparence, l’inclusion, la durabilité et la responsabilité ; des règles sur lesquelles tous les États membres ont consenti par consensus.

En effet, l’élaboration et la conception de ces règles constituent notre mission et notre obligation les plus urgentes.

Récemment, certains ont contesté le temps que prennent les États membres de l’ISA pour établir ces règles (le Code minier). Mais je ne partage pas cet avis.

Le processus de recherche de consensus, bien que fastidieux, représente l’une des formes les plus nobles de coopération humaine. Délibéré et inclusif, précis et audacieux, il implique gouvernements, scientifiques, organisations environnementales et acteurs de l’industrie, tous œuvrant à l’accroissement des connaissances scientifiques tout en tenant compte de la diversité des points de vue. Le respect de ce processus témoigne de notre engagement commun à établir les règles les plus adaptées avant toute exploitation. Se précipiter sans les garanties offertes par le Code minier reviendrait à trahir notre devoir de gestionnaires collectifs de cette ressource partagée.

Dans cette perspective, la responsabilité de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) est à la fois pratique et morale. Sur le plan pratique, nous contrôlons et réglementons les activités dans la Zone. Sur le plan moral, nous sommes investis de la confiance de la communauté internationale et veillons au respect du patrimoine commun de l’humanité et à la concrétisation de ses engagements. À ce titre, nous devons rester vigilants face à toute tentative de contourner ou de saper la gouvernance multilatérale. Les règles que nous élaborons ensemble, par le biais de l’AIFM, sont le seul moyen de garantir que l’équité, la justice et la protection de l’environnement demeurent au cœur des décisions qui affectent plus d’un tiers de la surface de la planète.

La pieuvre Dumbo est une espèce que l’on ne trouve que dans les grands fonds marins. Image reproduite avec l’aimable autorisation du Bureau de l’exploration et de la recherche océaniques de la NOAA, Exploration des grands fonds marins du sud-est des États-Unis, 2019.

 

Les décisions prises aujourd’hui façonneront la santé de nos océans pour des siècles. L’exploration a déjà permis d’acquérir d’importantes connaissances scientifiques et a contribué à cartographier les ressources, les habitats et la biodiversité. L’exploitation minière, si elle est menée de manière responsable dans le respect de la réglementation de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), peut générer des revenus et favoriser le transfert de technologies, au bénéfice de tous les pays, notamment des pays en développement. Notre défi est de veiller à ce que ces opportunités soient saisies de manière responsable, en tenant compte des aspects économiques, environnementaux et sociaux.

 

 

Les grands fonds marins sont un héritage que nous ont légué la nature et l’histoire. Il est de notre devoir de les préserver pour ceux qui hériteront de la Terre après nous.

Ensemble, en respectant nos engagements au titre du droit de la mer, nous pouvons faire en sorte que cette dernière grande frontière demeure une source d’émerveillement, de découverte, d’opportunités et de bénéfices partagés pour toute l’humanité.

Ce crabe de la famille des majidés a été pêché à plusieurs centaines de mètres de profondeur, dans l’Atlantique Nord. / © Gilles Martin travaille notamment pour l’IFREMER.

 

 

Remerciements à Yves Henocque d’avoir signalé à la Rédaction d’energiesdelamer.eu la publication de l’interview par l’association Mongabay

POINT DE REPERES

 

Extrait audio du podcast diffusé par Mongabay Écoutez ici : Christiana Figueres est née au Costa Rica. Elle a été Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 2010 à 2016.

La frustration suscitée par le résultat de la dernière conférence des Nations Unies sur le climat (COP29) a incité l’ancienne responsable du climat à l’ONU, Christiana Figueres – sous la direction de laquelle l’Accord de Paris a été conclu – à plaider pour une refonte du processus. Elle reste néanmoins très optimiste quant à la volonté mondiale de prendre des mesures concrètes pour le climat.

16 sept. 2021
Un film réalisé par Gilles Martin photographe et produit par l’IFREMER, issu du projet réalisé avec l’océanographe italienne Daniela Zeppilli

 

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POINTS DE REPÈRE

 

 

Francis Vallat : « Grands Fonds Marins, Agir pour l’Océan et pour l’Homme  » – 1

 

Exclusif : «Il est urgent de lancer le démonstrateur pour les grands fonds marins», Michel Canévet, Président de la mission : Les abysses, dernière frontière ? – 3

 

Gros changement à l’ISA : Leticia Reis de Carvalho, élue Secrétaire générale

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