France – 27/09/2025 – energiesdelamer.eu. Spécial Port du Futur – 4
» Sur la période 2020-2025, un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros »
L’essor du canal Seine Nord ne va-t-il pas priver Haropa Port d’une partie de son activité, en favorisant les ports nord-européens ?
Le canal Seine Nord va compléter le réseau de l’axe Seine en connectant de nouvelles zones de

Monsieur Kris DANARADJOU Directeur Adjoint HAROPA Port du Havre. Le Havre 7 septembre 2020. ? HAROPA/Laurent Guichardon.
production et de consommation dans le Nord à la Normandie et à l’Ile-de-France. Il cible les trafics de vracs (matières premières, matériaux du BTP, céréales) ; il n’est pas complètement adapté au trafic de conteneurs, à cause notamment de la hauteur insuffisante des ponts, qui ne permet pas de massifer le transport comme sur l’axe Seine. En revanche, ce canal va compléter l’infrastructure de l’axe Seine.
Comment comptez-vous regagner des parts de marché ?
Nous y travaillons activement. Nous nous sommes fixé un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros sur la période 2020-2025. Nous investissons sur nos infrastructures maritimes, pour tirer profit de nos conditions nautiques exceptionnelles en Europe. Nous avons ainsi développé 700 mètres de quai à Port 2000, ce qui porte notre total à 4,2 km. La zone des terminaux maritimes de Port 2000 sera aussi complétée par la création d’un chenal d’accès protégé pour les bateaux fluviaux de 1,9 km : c’est le projet nommé « La Chatière ». Outre plus de 350 millions d’euros d’engagement public sur ces deux projets, les opérateurs privés de terminaux investissent eux aussi dans des portiques et des outillages de dernière génération. L’objectif est de faire de Port 2000 un hub majeur du Nord-Ouest de l’Europe, avec des connexions optimales aux réseaux routier, ferroviaire et fluvial.
Par ailleurs, nous nous dotons de nouvelles zones consacrées à la logistique tout au long de l’axe Seine. Trois zones ont été créées sur la dernière décennie, dont une de quelque 150 hectares au Havre. Nous continuons à développer aussi des zones dédiées à l’offre logistique à Rouen et à Paris, afin d’assurer la fluidité le long de l’axe. Ainsi, un nouveau terminal trimodal a été inauguré en 2025 à Buryères-sur-Oise. Il sera opéré par Medlog, une filiale de MSC, le 1er armement mondial, qui investit aussi un milliard d’euros sur son terminal du Havre. Entre Le Havre et Paris, les terminaux de Port-Jérôme et de Grand-Couronne, dans la métropole rouennaise, jouent aussi un rôle actif dans la gestion des flux de conteneurs à destination ou en provenance de l’hinterland. Le trafic de marchandises sur l’axe Seine peut aussi s’appuyer sur des outils numériques de suivi de dernière génération comme le » Cargo Community System » développé par notre filiale Soget – sans oublier notre collaboration étroite avec les services des douanes.
« Dans les nouvelles énergies, nous avons annoncé une série de projets »
Quels sont vos principaux projets de développement industriel – en particulier dans les nouvelles énergies ?
Le recyclage et les nouvelles énergies constituent un enjeu fort. Dans ce domaine, nous avons annoncé une série de projets. Engie, associé à Air France et à CMA-CGM, va produire ainsi des carburants alternatifs – notamment du e-kérosène. Air Liquide ouvrira en 2026, à Port-Jérôme, la plus grande unité de production d’hydrogène décarboné en Europe.
Nous avons aussi annoncé en 2024 trois projets majeurs sur une parcelle de 60 ha au Havre : Qair, Air Products et Livista Energy vont investir 2,6 milliards d’euros en tout pour produire respectivement du carburant décarboné, de l’hydrogène et du lithium. A la clé, la création de 620 emplois. L’entreprise Verso Energy a mené début 2025 une concertation pour le projet Dezir, combinant un site à Alizay pour la création d’une unité de capture de CO2 et un site qui produira du carburant d’aviation durable à Petit-Couronne, près de Rouen. Enfin, Lhyfe a obtenu une aide de 149 millions d’euros de l’État pour construire une usine de production d’hydrogène vert près du Grand Canal du Havre. Le démarrage est prévu en 2029.
Nous disposerons ainsi d’une importante capacité de production d’hydrogène et de nouveaux carburants – notamment de e-kérosène, pour lequel le besoin est avéré afin de respecter le taux légal d’incorporation de carburant non fossile dans le secteur aérien. Ces projets pourront tirer profit du réseau d’utilités et de pipelines pour alimenter les aéroports parisiens, mais aussi tous les sites industriels qui ont besoin d’hydrogène décarboné.
Et pour l’éolien ?
Un espace de 40 hectares – l’un des plus importants d’Europe – est consacré à l’éolien, pour la production de pales par l’entreprise Siemens-Gamesa, implantée au Havre depuis 2021. Au départ, cette usine était destinée à la fabrication de pales de 75 et 81 mètres de long ; le site a été agrandi pour produire désormais des pales de 115 mètres, moyennant 370 millions d’euros d’investissement. Un autre site havrais a été utilisé pour construire les embases gravitaires qui ont équipé les champs éoliens en Manche. Aujourd’hui, nous attendons l’attribution des prochains parcs éoliens, pour lesquels les opérateurs auront besoin de bases logistiques. Nous avons travaillé avec les opérateurs, les ministères de la Transition écologique et de l’Industrie et l’Ademe pour identifier les besoins de base arrière des futurs parcs éoliens en Grande-Bretagne ou en mer du Nord…
Quelles sont les perspectives liées à la décarbonation du trafic maritime ?
La décarbonation passe d’abord par la production de nouveaux carburants. Certains armateurs commandent déjà des navires fonctionnant au méthanol ou à l’ammoniac décarboné. Mais cela nécessite de s’adapter : il faut produire ces nouvelles molécules, mais aussi disposer de capacités de stockage et de transfert, et donc maîtriser différents savoir-faire. Il faut organiser la disponibilité au bon moment, tout en respectant des procédures spécifiques. Bref, il existe de nombreuses contraintes, notamment au niveau de la sécurité : l’ammoniac liquide se stocke à -33°C, l’hydrogène liquide, à – 250°C… Tout cela suppose de modifier nos règles de fonctionnement, de former nos opérateurs… Mais nous sommes confiants. Avec les projets en cours, nous pourrons disposer de ces nouvelles molécules et travailler avec les autorités publiques sur les procédures de soutage appropriées. Le développement de ces carburants alternatifs s’inscrit dans le cadre de la labelisation ZiBaC (Zone Industrielle Bas Carbone) de l’axe Seine, qui vise à nous doter de tous les moyens nécessaires à la décarbonation des activités économiques.
Que va devenir le terminal méthanier flottant que vous avez construit en 2022, et qui est très peu utilisé – voire pas du tout ?
L’objectif, en 2022, était de diversifier dans l’urgence l’avitaillement en gaz, en lien avec la crise russo-ukrainienne. C’était un investissement significatif. Mais depuis, d’autres terminaux méthaniers ont répondu à la demande. Cette infrastructure était conçue pour une période de 5 ans, jusqu’en 2028. A ce moment-là, nous prendrons les décisions nécessaires.
L’activité de croisière fait-elle partie de vos projets de développement ?
Elle s’inscrit en effet dans une tendance haussière, qui, selon les études de marché, devrait se poursuivre. Nous avons lancé d’importants travaux de modernisation du pôle croisières de la Pointe de Floride, au Havre. Le chantier devrait être achevé en 2026. Nous disposerons ainsi de 3 terminaux dédiés à la croisière, avec une capacité totale d’accueil de 13.500 passagers par jour.
Où en êtes-vous de l’électrification à quai ?
Nous sommes en train de finaliser l’électrification de la partie croisière – la plus émettrice de CO2 – pour un coût d’environ 30 millions d’euros. Elle est aujourd’hui en cours de test. Notre ambition est d’avoir 3 terminaux équipés de branchements électriques, afin de pouvoir traiter tous les navires de croisière en escale. Nous avons aussi équipé l’axe Seine avec une trentaine de bornes de raccordement électrique pour les unités fluviales ; une centaine d’autres sont à venir. Les travaux sont en cours.
» Nous tablons sur une montée du niveau des eaux de 30 à 60 cm à l’horizon 2100 »
L’étape suivante sera l’électrification de tous les terminaux portuaires, qui sera obligatoire en 2030. C’est la partie la plus complexe, car il faut faire face à des contraintes techniques multiples, sur les différents quais. C’est un chantier de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Dans le même temps, vous devez faire face au risque de la montée des eaux.
En effet, et ce risque impacte les industries déjà présentes. Nous nous y préparons, en adaptant le foncier portuaire. Un Plan de prévention du risque littoral (PPRL) est déjà en vigueur au Havre depuis 2021. Il présente des zonages avec des niveaux d’aléas fort, moyen ou faible, qui doivent être considérés pour limiter les risques. D’autres plans du même type sont en préparation sur l’axe Seine.
Dans l’ensemble, nous tablons sur une montée du niveau des eaux de 30 à 60 cm à l’horizon 2100. Mais les aléas peuvent être plus importants dans certaines zones que dans d’autres. A priori, le risque est moindre à l’intérieur des terres que sur le littoral ; mais il y a aussi le risque inondation à l’intérieur des terres – comme l’ont montré certains événements climatiques récents. Paris a ainsi subi récemment deux crues importantes, en 2016 et 2018.
Il y a aussi diverses autres menaces, comme le risque cyber…
Nous travaillons constamment à l’amélioration du niveau de sûreté, notamment pour faire face à la menace cyber. Nous avons subi plusieurs cyber-attaques, et nos services se mobilisent sur ce sujet. Nous sensibilisons nos salariés, mais aussi les entreprises de la place portuaire. Nous avons édité un cyber-guide, en lien avec la communauté portuaire, pour conseiller de manière opérationnelle les acteurs économiques et promouvoir une sécurité d’ensemble.
Rappelons que les acteurs portuaires sont fortement connectés et échangent avec les administrations et le port via deux plateformes digitales : le Port Community System (PCS) pour accueillir les navires et le Cargo Community System (CCS) pour la gestion de la marchandise et son suivi. Ces outils digitaux, développés par la société Soget, sont indispensables au fonctionnement d’un port moderne, sécurisé et en mesure d’offrir tous les services nécessaires pour faciliter le passage de la marchandise et son suivi jusqu’à sa destination finale.
Parmi les risques de plus en plus souvent évoqués figure également l’essor du trafic de drogue. Certains annoncent un déferlement sur l’Europe, passant pour une bonne part par les ports…
C’est un problème qui affecte l’ensemble des ports européens. Le site du Havre n’y échappe pas. Nous sommes évidemment très mobilisés sur ce sujet, en lien avec les autorités. Nous avons une police portuaire, et nos sites sont surveillés par un réseau de caméras. Nous avons renforcé l’ensemble de notre dispositif de sécurité, et nous le réévaluons régulièrement. Pour accéder à la zone Port 2000, il faut des autorisations, et il y a des contrôles stricts. Nous avons également mis en place un plan de prévention pour les travailleurs portuaires, afin de les sensibiliser au sujet. Nous collaborons pleinement sur ces questions avec les services de l’Etat, qui ont eux aussi renforcé leurs moyens, tant en termes de cellule de renseignements que de moyens d’intervention.
Propos recueillis par Jean-Claude Lewandowski
POINTS DE REPÈRE
Cette année, les Assises de « Port du Futur » sont accueillies par Haropa, et se tiennent les 29 et 30 septembre à l’ENSM au Havre, avec notamment le soutien de la ville du Havre et de son maire, Edouard Philippe, ancien Premier ministre. L’ENSM est présidée par Frédéric Moncany et dirigée par François Lambert.
Le Cerema présidé par Marie-Claude Jarrot, Présidente Maire de Montceau-les-Mines est dirigé par Pascal Berteaud. Initié par la DGITM et le Cerema en 2011, l’événement « Port du Futur » qui se tient tous les ans dans une ville portuaire, notamment par la Direction technique Risques, Eaux, Mer du Cerema, dirigée par Sébastien Dupray.
Le Cerema est membre du Business Directory et soutien des Océanes Atlantique qui se tiennent au Pouliguen pour la troisième année consécutive, en duplex avec le Québec.
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