France – 27/09/2025 – energiesdelamer.eu. Spécial Port du Futur – interview partie 2

 

De nouvelles opportunités s’ouvre

Pour produire ces nouveaux carburants (sauf l’e-ammoniac), il faut du carbone, si possible biogénique. Nous en avons beaucoup en Europe, avec les cimenteries, les papeteries… Il faudra donc le transporter vers les zones désertiques de production de e-carburants, où il sera mélangé avec l’hydrogène. Les ports des pays industrialisés doivent donc s’organiser pour stocker du carbone, le liquéfier et l’exporter. Le carbone étant appelé à devenir une commodité négociée sur les marchés, il y a là de nouvelles opportunités de développement pour les ports.

Les autres modes de propulsion vont avoir les mêmes besoins. Pour le stockage du e-kérosène, pas de problème : ce sont les mêmes cuves que pour le kérosène fossile.

Quant au transport de ces nouveaux carburants, il ne pose pas de difficulté : le méthanol se transporte aisément. Idem pour l’ammoniac, qui est déjà transporté depuis de nombreuses années. Simplement, il y aura moins de produits pétroliers. C’est une simple question d’adaptation.

 

Donc, pas de bouleversement en vue pour les ports ?

Les ports exerceront toujours le même métier. Mais l’arrivée des nouveaux carburants nécessite d’avoir une vision claire des enjeux, d’engager les investissements au bon moment, de travailler en bonne intelligence avec régulateurs. Les réglementations européennes imposent par exemple de disposer à terme du courant à quai. Les ports s’organisent pour se conformer à ces directives. Il en sera de même pour les carburants non fossiles.

 

Certains ports semblent cependant plus mobilisés que d’autres sur ces sujets…

A la lecture de la presse spécialisée maritime, il semble en effet que les ports du nord de l’Europe soient très actifs sur ces sujets. Les Norvégiens ont lancé un très gros projet, baptisé Northern Light, auquel TotalEnergies participe : il s’agit de capter le carbone, le liquéfier, et le transporter en Mer du Nord pour l’injecter dans les anciens puits de pétrole. Le port de Rotterdam, de son côté, a déjà programmé l’investissement nécessaire à la production d’e-méthanol.

Par ailleurs, des accords bilatéraux sont conclus entre ports, notamment pour créer des  » corridors verts « . Entre Singapour et Rotterdam, par exemple. L’objectif étant de livrer les bonnes quantités de tel ou tel e-carburant au bon moment, en fonction des prévisions de trafic et en application des réglementations. Maersk a ainsi signé un accord de 10 milliards d’euros avec l’Espagne pour la fourniture d’e-méthanol. CMA-CGM est également très actif dans ce domaine. Maersk, qui est un gros consommateur de carburant maritime, a même créé sa propre centrale d’achat. Dans le domaine de la décarbonation, il faut s’y prendre tôt. Sinon, on risque d’être distancé. Il s’agit en effet d’infrastructures lourdes, qui ont une grande inertie.

Les petits ports, eux, n’ont pas vraiment ce genre de problème. Les réglementations ne s’intéressent – au moins pour le moment – qu’aux navires de plus de 5.000 tonnes, qui représentent plus de 80 % de la consommation de produits pétroliers du transport maritime.

 

C’est donc une nouvelle révolution énergétique et même industrielle qui se profile…

Le problème que posent la décarbonation en général et ces nouveaux carburants en particulier est celui, au fond, de la réindustrialisation de l’Europe et de sa souveraineté énergétique. On voit bien que, chaque fois que l’on veut créer une nouvelle usine en Europe, cela suscite des problèmes d’acceptation par les populations. Il est devenu difficile d’investir. Le problème se pose un peu partout en Europe. Il y a par exemple un projet de bio-méthanol près de Pau, mais les habitants n’en veulent pas. On a pensé que ce serait plus facile dans le Grand Nord, mais les Norvégiens se sont heurtés à l’opposition des éleveurs de rennes ! Certes, l’Europe a déjà mobilisé 2 milliards d’euros de subventions dans l’hydrogène ; mais cela reste insuffisant et c’est coûteux pour la collectivité… Ailleurs dans le monde, là où les gisements d’énergie primaire décarbonée sont importants, investir sur des projets rentables n’est plus un problème.

Un carburant de synthèse produit en France nécessite une subvention de 20 à 40 % pour être compétitif avec le même carburant produit au Maroc et rendu à Marseille. Si la France et l’Europe Si la France et l’Europe veulent développer une production de carburants de synthèse sur leur territoire, il faudra donc mobiliser des milliards d’euros de subvention. C’est le coût de la souveraineté énergétique…

 

Dans ce contexte, quelle place pour le nucléaire, à moyen terme ?

Grâce à lui, notre pays dispose aujourd’hui de l’énergie la plus décarbonée d’Europe. C’est un atout. Mais la relance annoncée de la filière de l’atome va demander du temps et de l’argent. Or la décarbonation du transport maritime mondial doit être quasi achevée en 2050, date à laquelle les nouveaux réacteurs nucléaires ne seront pas encore entrés en service.

D’autre part, la compétitivité de l’énergie nucléaire française n’est pas assurée face à la concurrence des pays disposant des meilleures ressources d’énergie primaire renouvelable, tels que ceux que je cite plus haut. On considère en effet que ces pays commenceront à produire des carburants de synthèse dès 2030, et à des prix très compétitifs.

Autrement dit, dans la compétition internationale, le nucléaire est un atout « relatif ». Il ne peut à lui seul répondre aux exigences de la décarbonation. La prudence nous conduit donc à ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier.

 

Que préconisez-vous donc ?

Il va falloir que la France mène une réflexion approfondie sur sa stratégie diplomatique et industrielle. Pour ce qui concerne la décarbonation des moyens de transport maritime (et aussi aérien et terrestre), il convient en premier lieu, de tisser des relations diplomatiques de haut niveau avec les pays disposant des meilleurs gisements mondiaux de ressources énergétiques renouvelables. Ensuite, il convient de coordonner, au niveau national, la projection à l’international de nos industries de production d’hydrogène et de ses dérivés.

 

 » Il nous faut anticiper, car la France et l’Europe n’ont pas beaucoup d’atouts en matière d’énergie primaire « 

En Europe, d’autres pays ont déjà mis en place une stratégie diplomatique intelligente et active. Ils se projettent dans le développement de ces carburants de synthèse, ils signent des accords importants. C’est le cas par exemple des Allemands. Il faut dire qu’ils ne bénéficient pas de l’avantage « relatif » du nucléaire…

 

Les industriels français sont-ils prêts pour ces bouleversements ?

Les grands groupes français sont bien présents dans ces nouveaux carburants. TotalEnergies investit 10 milliards d’euros au Maroc pour produire de l’e-ammoniac. Le groupe regarde aussi d’autres projets en Australie, pour vendre de e-carburants à Singapour ou au Japon. EDF a un projet de plusieurs milliards d’euros en Egypte. Engie est présent dans plusieurs endroits du monde. De nombreuses entreprises plus modestes, telle que MGH Energie, développent aussi des projets pour le compte de tiers.

Ces acteurs nationaux, grands ou petits, sont dans la course partout où il y a du vent et du soleil. Ils ont les compétences, et les financements ne sont pas si difficiles à trouver. Mais il faut être au bon endroit au bon moment, pour être à même de produire les e-carburants les plus compétitifs.

 

L’émergence de ces nouveaux carburants peut-elle bousculer l’économie mondiale – voire déboucher sur de nouvelles tensions internationales ?

Je ne le crois pas – mais je ne suis pas un expert en géopolitique ! Mais souvenez-vous de la création de la Compagnie française des pétroles – la CFP – en 1920. L’objectif était d’avoir dans notre pays un industriel capable d’identifier les meilleurs endroits pour extraire du pétrole et de négocier avec les Etats, tout en disposant des technologies pour forer, extraire, transporter, stocker, raffiner et distribuer ce pétrole. Tout cela est transposable aujourd’hui aux carburants de synthèse, dont nous ne disposerons pas (ou peu) en Europe. Il nous faut anticiper, car la France et l’Europe n’ont pas beaucoup d’atouts en matière d’énergie primaire. Et surtout, nous devons être particulièrement attentifs à notre stratégie diplomatique. Les faux-pas d’aujourd’hui peuvent avoir des conséquences négatives majeures à long terme.

 

Propos recueillis par Jean-Claude Lewandowski

 

MGH Energie, pionnier des e-carburants

MGH Energie est un spécialiste des carburants de synthèse (e-méthanol, e-kérosène…) destinés à remplacer les carburants fossiles pour décarboner le transport maritime et aérien. Issus de la synthèse de l’hydrogène vert et du carbone, ces carburants de nouvelle génération permettront d’éviter  » au moins 70% des émissions de GES « .

La société travaille à développer et exploiter des usines produisant ces carburants durables dans le monde, et à commercialiser des e-fuels. MGH Energie, qui s’intéresse également à la propulsion vélique des bateaux, entend ainsi contribuer à la transition énergétique du transport maritime et aérien.

 

Soper Jean-Michel Germa – Site Janassim au Maroc

MGH Energie travaille actuellement sur trois projets :

l’usine Janassim de production de e-fuels, au Maroc. Celle-ci devrait produire, à terme, 500.000 tonnes de e-carburants par an, et 2,2 GW d’énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque). La construction devrait démarrer en 2027, pour une mise en service prévue en 2030. Le projet, en collaboration avec le marocain Petrom, représente un investissement de 50 milliards de dirhams (environ 4,7 milliards d’euros).

MGH Energie entend en outre s’impliquer fortement dans le développement du territoire autour de Janassim – notamment en participant à l’essor industriel de la région, en ouvrant des formations et diplômes spécialisés et en soutenant l’agriculture locale.

la première pilotine 100 % électrique au monde

Soper – La pilotine

Inaugurée en 2021, elle dispose d’un moteur de 200 kW alimenté par 6 batteries embarquées. Elle est aujourd’hui en service dans le port de commerce de Sète-Frontignan.

-le transport maritime à voile. MGH Energie a pris en 2019 une participation dans la start-up Zéphyr & Borée, une compagnie maritime qui commercialise des solutions de transport maritime décarbonées. Elle est notamment à l’origine du cargo à voile Canopée, développé avec la société Jifmar pour les besoins d’ArianeGroup. Zéphyr & Borée travaille actuellement à la création d’une ligne transatlantique de transport de conteneurs.

MGH Energie, filiale du groupe Soper, est détenue à 100% par Jean-Michel Germa, pionnier de l’éolien en France et au Maroc, et fondateur en 1989 de La Compagnie du Vent, qui a été cédée en 2017 à Engie.

J.-C. L.

 

 

POINTS DE REPÈRE

Cette année, les Assises de « Port du Futur » sont accueillies par Haropa, et se tiennent les 29 et 30 septembre à l’ENSM au Havre, avec notamment le soutien de la ville du Havre et de son maire, Edouard Philippe, ancien Premier ministre.  L’ENSM est présidée par Frédéric Moncany et dirigée par François Lambert

Le Cerema présidé par Marie-Claude Jarrot, Présidente Maire de Montceau-les-Mines est dirigé par Pascal Berteaud. Initié par la DGITM et le Cerema en 2011, l’événement « Port du Futur » qui se tient tous les ans dans une ville portuaire, notamment par la Direction technique Risques, Eaux, Mer du Cerema, dirigée par Sébastien Dupray.

Le Cerema est membre du Business Directory et soutien des Océanes Atlantique qui se tiennent au Pouliguen pour la troisième année consécutive, en duplex avec le Québec.

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