France – 16/01/2023 – energiesdelamer.eu. Où en sommes-nous ? Un foisonnement de projets de lois est en cours pour accélérer à la fois « nucléaire et énergies renouvelables ». Pour le nucléaire, le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes est en cours. En effet, lors de ses discours de 9 novembre 2021 avant que la France devienne présidente de l’Union Européenne pour 6 mois, puis de ceux de Belfort en février 2022, du One Ocean Summit à Brest, … de sa visite du premier parc éolien en mer à Saint-Nazaire le 22 septembre 2022, le président de la République avait annoncé la volonté du gouvernement d’accélérer l’installation de nouvelles centrales nucléaires et de développer les énergies renouvelables. Le gouvernement a mis le cap sur les énergies bas carbone, en particulier le nucléaire et prochaine programmation pluri-annuelle de l’énergie devra en tenir compte. Mais, comme le rappelle le site web de la SFEN, « en l’état, la première paire d’EPR2 qui sera construite à Penly, ne verra son premier béton nucléaire coulé qu’en 2027 pour une mise en service du premier réacteur en 2035. La seconde paire d’EDF sera bâtie à Gravelines. La troisième se situera en région Auvergne-Rhône-Alpes, au Tricastin ou à Bugey. EDF possède une réserve foncière sur de nombreux sites existants »…

Michel Badré, président du débat public sur les nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly avait été auditionné le 14 décembre dernier par la commission des affaires économiques du Sénat, avec Luc Rémont, président d’EDF, Bertrand Doroszczuk, président de l’ASN, François Jacq, Administrateur du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, Guillaume Dureau, directeur général adjoint chez Orano, premier vice-président de la Sfen et Thomas Veyrenc, directeur exécutif de RTE. Le débat public sur les 6 réacteurs (ou 14 réacteurs) et Penly, présidé par Michel Badré, a repris depuis le 12 janvier 2023 et prévoit la 7ème rencontre le 26 janvier prochain. Cette rencontre que l’on pourra suivre également à distance est annoncée comme un temps fort avec pour thème « coût, financement et de la rentabilité du projet de nouveaux réacteurs nucléaires ».

L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables le 10 janvier. La ministre Agnès Pannier-Runacher, a été auditionné le 11 janvier par la commission des affaires économiques à propos du projet de loi « Nouveau nucléaire ». Le rapporteur, Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, président du groupe d’études « Énergie », a largement amendé le projet de loi « Nouveau nucléaire ». La commission estime que le nouveau texte apporte « plus de rapidité et plus de sécurité, jugeant par ailleurs que, si ce texte va dans le bon sens, il est très insuffisant par rapport aux enjeux actuels de la filière du nucléaire ».

Dans un communiqué la commission des affaires économiques du Sénat déclare avoir transformé un texte technique en vision politique

Le communiqué précise que lors de l’examen de ce texte, la commission a déploré de nouveau que le Gouvernement légifère dans le désordre et sans stratégie en matière énergétique ! La logique aurait évidemment été de soumettre à l’examen parlementaire le projet de loi quinquennale sur l’énergie, puis le projet de loi sur l’accélération du nucléaire et enfin celui sur l’accélération des renouvelables.

De plus, le rapporteur a proposé à la commission de compléter le projet de loi selon 4 axes.

– Le premier axe vise à combler les angles morts du texte, qui pâtit d’un manque de vision stratégique, de neutralité technologique et de suivi démocratique. C’est pourquoi la commission a notamment :

Supprimé l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2035 ;

Imposé la révision du décret fixant la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui prévoit toujours la fermeture de 12 réacteurs, hors ceux de Fessenheim ;

Intégré la relance du nucléaire à la planification énergétique et prévu que la loi quinquennale sur l’énergie, attendue pour juillet prochain, acte la construction des réacteurs et résolve les enjeux du financement ou des compétences ;

Inclus, au-delà des EPR2, les petits réacteurs modulaires (SMR) et les électrolyseurs d’hydrogène dans les mesures de simplification proposées ;

Prévu une reddition annuelle des comptes devant le Parlement sur la mise en œuvre de ces mesures, ce qui lui permettra d’être informé d’éventuelles difficultés, notamment en cas de retards et de surcoûts.

Garanti une réflexion sur les réacteurs et les sites retenus ou envisagés, en prévoyant ainsi que d’autres types de réacteurs et d’autres conditions d’implantation puissent être intégrés aux mesures de simplification dans le futur.

– Le deuxième axe entend garantir la sécurité et la sureté des installations nucléaires, face aux nouveaux risques, climatiques ou numériques, en intégrant les risques liés au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs (conditions climatiques et météorologiques extrêmes, submersion, inondation, recul du trait de côte…) et la cyber-résilience dans leur protection contre les actes de malveillance. En outre, elle a souhaité maintenir un rapport de sûreté intermédiaire pour le réexamen des réacteurs et consolidé les attributions et le fonctionnement de la commission des sanctions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

– Le troisième axe prévoit d’associer les collectivités et le public, en veillant à la réalisation des consultations, au contenu des évaluations et à l’absence d’effets de bord. La commission a prévu que la qualification d’ « intérêt général » de la construction des réacteurs ne puisse intervenir qu’après la réalisation du débat public. Elle a garanti la consultation du public et celle des collectivités dans les procédures liées aux nouveaux réacteurs. Elle a consolidé le contenu de l’étude d’impact, pour y inscrire les spécificités propres aux installations nucléaires. Enfin, elle a évité tout effet de bord pour les collectivités dans la perception de la taxe d’aménagement et l’application du Zéro artificialisation nette (ZAN).

– Le 4ème et dernier axe prévoit de renforcer la sécurité juridique, en encadrant certaines procédures dérogatoires, en veillant à l’accélération des contentieux et en facilitant la réalisation des travaux. La commission a ciblé le champ de la procédure d’expropriation et introduit des garanties pour le relogement des habitants ou l’indemnisation des artisans ou commerçants. Enfin, elle a institué deux nouvelles procédures, afin de faciliter, d’une part, la résolution des contentieux pour les nouveaux réacteurs et, d’autre part, la réalisation des travaux pour ceux existants.

Au total, l’ensemble de ces dispositions redonnent une ligne stratégique à la filière du nucléaire, dans toutes ses dimensions, et raccourcit les délais de construction d’environ 56 mois.

Pour Daniel Gremillet, « La relance du nucléaire n’est pas réductible à une loi de simplification ! Si la simplification des procédures est bienvenue, le Gouvernement doit réviser sa stratégie, acter les constructions et prévoir des moyens financiers et humains. C’est pourquoi nous proposons d’abroger les verrous posés à la relance du nucléaire, issus de la loi de Transition énergétique, et d’intégrer cette relance dès la loi quinquennale sur l’énergie, de juillet prochain. Il faut aussi répondre aux risques nouveaux. Aussi suggérons-nous d’inclure la résilience au changement climatique dans la sûreté et la cyber-résilience dans la sécurité. Il faut enfin prendre en compte l’évolution technologique. À cette fin, nous recommandons de soutenir les SMR, les électrolyseurs d’hydrogène et la fermeture du cycle du combustible, au-delà des EPR2. Ce sont nos propositions législatives, pour un nucléaire plus rapide mais aussi plus sûr, plus propre et plus innovant ! »

Pour Sophie Primas, « La politique conduite en matière d’énergie nucléaire souffre de dix ans d’atermoiements, de résignations et de politique politicienne. Or, le nucléaire est une énergie du long-terme, pilotable, non intermittente et bas-carbone. Elle ne s’oppose pas aux énergies renouvelables, elle s’additionne ! C’est la raison pour laquelle je déplore, une fois de plus, la méthode du Gouvernement. Le président de la République a attendu sa seconde campagne présidentielle et le discours de Belfort, l’an dernier, pour amorcer un virage plus favorable à cette énergie. Que de temps perdu ! C’est une faute grave qui perdure depuis 10 ans, alors que l’énergie nucléaire est au fondement de notre souveraineté, de notre compétitivité et de notre transition énergétique ! »

(Ndlr – Quelle place sera donnée aux énergies renouvelables et énergies renouvelables en mer et des fleuves, qui, à terme, devront être placées près des centrales pour permettre un meilleure refroidissement des eaux ?)

La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines).

Daniel Gremillet (Les Républicains – Vosges) est président du groupe d’études « Énergie » et rapporteur du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants et au fonctionnement des installations existantes.

Le mardi 8 novembre 2022, la création de la cellule interministérielle dédiée au nouveau nucléaire a été actée. Cette délégation composée de 15 personnes est chargée de superviser la création des six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR2 à l’horizon 2035-2037. Elle est présidée par Joël Barre, dont le mandat de délégué général pour l’armement a pris fin en juillet 2022, et qui va piloter cette nouvelle cellule interministérielle.

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