France – 22/12/2021 – energiesdelamer.eu. À l’instar de l’écologie dans son ensemble, les enjeux concernant l’espace maritime ne sont guère débattus à l’approche de l’élection présidentielle. Céline Jacob, autrice d’une fiche dédié à ce sujet publiée par La Fabrique écologique, en rappelle les principaux risques et opportunités.

Comme d’autres think tank (IDDRI, I4CE, l’Institut Jacques Delors (IJD) et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui se sont notamment interrogés sur les investissements nécessaires à la transition écologique lors du prochain quinquennat et vont interpeler les candidats.

Les 26 fiches de la Fabrique écologique

La Fabrique écologique (LFE) apporte sa pierre au débat inexistant mais nécessaire sur l’écologie qui devrait précéder les prochaines échéances électorales.

Déplorant qu’en dehors de la primaire écologiste les débats électoraux ne portent pratiquement pas sur ces sujets et que l’écologie soit toujours traitée comme un enjeu de second ordre et ne soit pas abordée de manière aussi systématique et approfondie que par exemple la sécurité, l’immigration ou le pouvoir d’achat, LFE publie 26 fiches.

Sur ces 26 sujets, choisis parmi les plus importants et les moins bien traités, elles présentent un bilan de la situation actuelle, les principales mesures prises lors du dernier quinquennat, l’état du débat public et médiatique, les enjeux et des suggestions de questions précises et concrètes à poser aux candidat.e.s.

Un ministère de la Mer créé en juillet 2020

L’espace maritime est l’un des sujets choisis. D’une part parce que l’économie maritime, qui représentait environ 2,5 % de la valeur ajoutée brute mondiale en 2010, pourrait voir sa valeur plus que doubler en 2030. A la fois grâce à la croissance d’activités existantes : transports, industrie navale et nautique, pêche et produits de la mer, ressources énergétiques, tourisme et câbles sous-marins…mais aussi, d’activités encore émergentes : énergies renouvelables, ressources minérales, biotechnologies, aquaculture.

C’est un domaine dans lequel la France occupe une place à part, liée au large éventail d’écosystèmes marins dont elle dispose. Ses 11 millions de km2 de Zones économiques exclusives (ZEE) en font le deuxième domaine maritime le plus étendu au monde après les États- Unis et devant l’Australie et la Russie. Notons que 97 % de ce territoire relèvent des Territoires d’Outre-Mer, notamment Polynésie, Terres australes et antarctiques et Nouvelle-Calédonie.

L’importance de la mer a été régulièrement soulignée lors du quinquennat qui s’achève. Aux Assises de l’économie de la Mer à Montpellier en 2019, le chef de l’État a même déclaré : « Le XXIe siècle sera maritime.» Un ministère de la Mer a été créé en juillet 2020. Son champ d’action recouvre les services maritimes, l’action de l’État en mer, les territoires maritimes et littoraux, la culture et la découverte, les métiers, le milieu marin, les ports, le transport maritime, les industries et les produits de la mer. Un premier sommet mondial de l’océan, le « One Ocean Summit », aura lieu à Brest début 2022. Il réunira scientifiques, acteurs économiques et représentants des Nations Unis pour tenter de faire aboutir les négociations sur la protection de la « haute mer », espace insusceptible d’appropriation, librement utilisée par tous les États et affectée à des fins pacifiques.

Quelques avancées sur le plan législatif

Initiée à l’occasion du Grenelle de la mer de 2009, la Stratégie nationale française pour la mer et le littoral a finalement été engagée en 2017.  Elle encadre la protection du milieu, la valorisation des ressources marines et la gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral à l’échelle des façades maritimes. Publiée en janvier 2021, la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées vise à protéger, dès 2022, 30 % du territoire national et des espaces maritimes sous juridiction, alors qu’aujourd’hui 24 % des eaux françaises sont situées dans des aires marines protégées.

Toujours en matière législative, la loi AGEC de février 2020 (relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) a introduit l’interdiction des produits en plastique à usage unique, l’une des pollutions majeures dont souffrent les océans. En revanche, comme l’a souligné la Cour des comptes récemment, le sujet des algues vertes en Bretagne n’a guère avancé depuis 2010.

Grands fonds marins : recherche seule ou exploration ?

Concernant la haute mer, une feuille de route relative à la stratégie nationale d’exploration et d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins pour les dix prochaines années a été envoyée aux ministres concernés en mai 2021. Le Rapport de Jean-Louis Levet a été remis au Premier Ministre et a été présenté lors du CIMER de janvier 2021 par Denis Robin, le SG Mer.

Le chef de l’État a mentionné des financements dédiés dans le plan d’investissement France 2030, sans préciser nettement s’il s’agissait de recherche uniquement ou aussi de perspectives d’exploitation. Comme une vingtaine d’États, la France détient actuellement deux permis d’exploration délivrés par l’Autorité internationale des fonds marins, un sur la dorsale médio-Atlantique et un autre entre les failles de Clarion et de Clipperton, dans le Pacifique. Mais, souligne Céline Jacob, consultante spécialisée qui a rédigé la fiche pour LFE, « l’accès à de nouvelles connaissances va souvent de pair avec la possibilité pour les industriels de mener une exploration.» Or il s’agit d’écosystèmes hyper spécifiques, quasi impossibles à compenser, conformément à ce que la loi impose en matière d’exploration.

« On ne connaît qu’une infime partie de ces organismes, et on risque de les perdre avant même d’avoir eu le temps de les connaître, regrette Céline Jacob. Alors que l’étude de leur fonctionnement en conditions extrêmes est certainement riche d’enseignements. »

D’où la question qui serait à poser aux candidats : « Êtes-vous prêt à prévoir un moratoire, par exemple dans une loi, interdisant toute action de développement dans les fonds marins qui nuirait de manière significative à la biodiversité ? »

Éolien en mer, un sujet clivant parmi les candidats

Mais force est de constater que le débat politique et médiatique actuel porte très peu sur les enjeux écologiques marins, à l’exception de la question des zones de pêche post Brexit et de celle des éoliennes en mer. Comme l’éolien dans son ensemble, plusieurs candidats, notamment de droite et d’extrême droite, répètent régulièrement leur opposition à cette énergie renouvelable.

Quoi qu’il en soit, six des sept projets de parcs éoliens posés en mer attribués depuis 2012 seront mis en service entre 2022 et 2024. Avec un retard conséquent dû au dépôt de nombreux recours. Et les controverses continuent d’aller bon train, essentiellement autour de la pêche et des enjeux environnementaux. « Contrairement à des critères de sécurité, de préservation des routes maritimes, etc., les critères environnementaux ont été minoritaires dans le choix du positionnement des premiers parcs », reconnaît Céline Jacob. Elle souligne cependant que dans le cadre de débats concernant des aménagements à terre, qui présentent pourtant des enjeux similaires, on observe beaucoup moins de projets remis en cause.

D’où la question que LFE aimerait poser aux candidats : « Sur l’éolien en mer, souhaitez-vous son développement ? Si oui, quelles sont vos propositions pour que les impacts possibles sur la biodiversité soient mieux identifiés, connus et discutés entre les différentes parties prenantes ? »

POINTS DE REPÈRE

Note de la rédaction : « Dernière nouvelle à propos des projets retenus par l’Agence Nationale de Recherche à propos des Grands fonds marins : Dans la suite logique de la mise en oeuvre du rapport Levet du SG Mer, du CIMER de janvier 2021, l’Ifremer et ses partenaires (IRD, CNRS) a déposé un projet pour l’exploration des grands fonds marins, dans le cadre de l’appel à programmes et équipements prioritaires de recherche exploratoires (PEPR) de l’ANR lancé dans le cadre du quatrième Programme d’investissements d’avenir (PIA4) … Le volet projet 1 « grands fonds marins » de la stratégie nationale aurait été « retoqué » par l’ANR (PIA4 et son appel à programmes « PEPR exploratoires) … la recommandation serait de s’orienter sur la ligne budgétaire de France Relance 2030 !

Par ailleurs, Emmanuel Macron a déclaré le 12 octobre dernier dans son discours que ces grands fonds marins « sont un levier extraordinaire pour la compréhension du vivant, il ne faut pas laisser dans l’inconnu une partie du globe »…. Alors quand et dans quel programme de recherche, le projet 1 va-t-il, peut-il être financé ? La suite au prochain numéro ! BB

Jean Castex réaffirme l’ambition de la France maritime

CIMer « Regards croisés autour des Grands Fonds Marins», enjeux pour la recherche et l’industrie ! » partie 2


Ne copiez pas l’article, copiez le lien, vous protégez ainsi les droits d’auteur de notre équipe rédactionnelle.


Publicités Google :