Belgique – France – Mardi 20/08/2019 – energiesdelamer.eu. L’affirmation selon laquelle les réseaux électriques ne pourraient pas supporter une part importante d’énergies intermittentes comme l’éolien et le solaire dans le mix énergétique d’un pays, n’est pas fondée.

C’est ce qui ressort d’un rapport rendu public par le Conseil Européen des Régulateurs de l’Energie (CEER) en juillet 2018 (1), rappelle Bernard Deboyser dans un article paru hier sur le site Revolution-energetique.com.

 

C’est également ce qui a été soutenu par John Pettigrew président de National Grid à la suite de la panne géante (2). » Il a en effet nié « que le réseau électrique soit devenu plus vulnérable à cause des énergies renouvelables telles que l’énergie éolienne, éolien en mer ou le solaire, qui ont été ajoutées au réseau 

 

Le Rapport du CEER

« Le CEER a établi un classement des Etats dont les réseaux électriques sont les plus stables. L’Allemagne et le Danemark y occupent les 2et 3e marches du podium, après la Suisse. Il s’agit pourtant de 2 pays qui produisent une part importante de leur électricité par les énergies renouvelables intermittentes  » insiste Bernard Deboyser et poursuit :

 

Le Danemark est même le champion en la matière puisque 60 % de son électricité provient de sources renouvelables dont plus de 42 % sont injectés sur le réseau par des éoliennes. Le pays est aussi celui où la densité d’éoliennes sur le territoire est la plus élevée. Cette performance est rendue possible grâce à deux câbles sous-marins d’interconnexion qui relient le Danemark aux centrales hydroélectriques de la Norvège et de la Suède. Celles-ci permettent de réguler la production intermittente des éoliennes puisque le Danemark étant un pays plat, il ne dispose pas de capacité hydroélectrique. Des centrales à biomasse fournissent 16 % de l’électricité et participent aussi à ce rôle régulateur puisqu’elles peuvent être arrêtées lorsque les éoliennes tournent à pleine puissance et relancées dans le cas contraire.

Au classement des réseaux électriques les plus stables, la France – où l’électricité est principalement fournie par des centrales nucléaires – est 8e, derrière le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche et le Royaume-Uni. Presque à égalité avec l’Espagne, autre pays qui a fortement misé sur l’éolien et le solaire. La Roumanie et la Pologne, majoritairement alimentées en courant électrique par des centrales au charbon, figurent en queue du classement ».

 

 

L’exemple allemand

 

La transition énergétique allemande « Energiewende » après sa décision de sortie du nucléaire prise en 2011 pour 2022, « est l’un des pays européens qui a le plus développé les énergies renouvelables. Avec une part de plus de 40 % du mix énergétique, celles-ci sont devenues en 2018 la principale source d’énergie, devant le charbon.

Dans la production d’électricité, les énergies intermittentes contribuaient en 2017 pour 22 %, dont 16 % d’éolien et 6 % de solaire. Une proportion qu’il y a une dizaine d’années certains « experts » considéraient comme impossible : ils estimaient que les réseaux ne pourraient jamais supporter plus de 5 % d’énergies intermittentes.

 

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le BNetzA, l’agence fédérale de contrôle et de régulation des réseaux, publie chaque année un rapport sur les interruptions de fourniture de courant survenues en Allemagne pendant la période. Dans sa publication dont le titre est « Versorgungsunterbrechungen Strom 2017 Vizepräsident Franke: « Deutsche Stromversorgung bleibt verlässlich« – « Coupures de courant électricité 2017 le vice-président Franke déclare : L’alimentation électrique allemande reste fiable », on peut lire : «La transition énergétique et la part croissante de la capacité de production décentralisée continuent à n’avoir aucun impact négatif sur la qualité de l’offre». 

Si la durée moyenne des pannes a augmenté en 2017 par rapport aux années précédentes, elles sont principalement dues, selon le BNetzA, aux phénomènes météorologiques extrêmes comme les tempêtes, la neige et les inondations. Il s’agit donc de causes qui n’ont aucun lien avec la part croissante des énergies intermittentes. L’interruption moyenne de courant par consommateur est passée de 12,8 minutes en 2016 à 15,14 minutes en 2017. En 2006, lorsque les énergies renouvelables étaient encore peu développées, elle était de 21,53 minutes. 

 

Une des solutions pour éviter les coupures d’électricité, n’est-il pas d’envisager de recourir aux interconnections, mais celles-ci peuvent-elles absorber plus d’énergies vertes pour la fourniture d’électricité, sans risquer l’effondrement des réseaux ?

 

La réponse des experts est positive et il faudra bien y parvenir puisque dans le cadre du plan énergie-climat de l’Union européenne, l’objectif est de couvrir 100 % de la demande d’énergie par les renouvelables. D’ici là il faudra toutefois investir dans des centrales à biomasse (qui n’ont pas de caractère intermittent), dans les interconnexions entre pays par câble haute tension, et dans les capacités de stockage comme les batteries géantes » mentionne encore Bernard Deboyser. Pour les interconnections il convient aussi de relire les interviews de Michel Cruciani ou Eric Thebault.

 

Interconnexion : Une directive européenne impose à chaque Etat membre de disposer d’ici 2030 d’une capacité d’interconnexion électrique d’au moins 15 % de sa production installée. 

 

L’exemple du Royaume-Uni.

 

Disposant déjà d’interconnexions électriques avec la France, l’Irlande et les Pays-Bas, National Grid et son homologue belge, Elia, ont signé un accord portant sur la construction d’un autre câble sous-marin (de 1.000 MW de capacité) pour relier la Belgique au Royaume-Uni. Deux autres projets ont été signés l’un avec RTE pour la France (façade Manche) et l’autre avec le Danemark. Les interconnections entre National Grid et le norvégien Statnett pour le projet NSN(2), seront opérationnelles en 2021.

 

Michel Cruciani dans une interview donnée à energiesdelamer.eu (3) à l’occasion de la parution de son rapport pour l’IFRI en 2018 mentionne que le Royaume-Uni détenait 53 % des capacités éoliennes offshore installées en Europe à fin 2017, et cette seule donnée suffirait à justifier un développement des interconnexions, car toutes les énergies à caractère variable requièrent une haute densité de réseau pour offrir des conditions d’exploitation optimales.

Une seconde raison explique que plusieurs pays souhaitent renforcer leurs liaisons avec la Grande Bretagne : le prix de l’électricité sur les marchés de gros y atteint souvent un niveau plus élevé que sur le continent. Dans ces deux cas, le Royaume Uni ne constitue donc pas un pays de transit, mais de départ ou d’arrivée du courant. Cependant, le Brexit crée des incertitudes nouvelles. Plusieurs des interconnexions prévues devaient bénéficier d’aides communautaires au titre des Projets d’Intérêt Commun ; ces aides seront-elles maintenues après le départ du Royaume-Uni ? Ce pays acceptera-t-il toujours les règles communautaires qui s’appliquent à la gestion des interconnexions, et dans la négative, quels seront les tarifs d’utilisation des liaisons ? Faute d’accord, l’électricité produite en Grande Bretagne menacerait l’indépendance énergétique de l’UE au même titre que le gaz produit en Russie… »

 

Avec le projet d’interconnexion entre la France et l’Irlande « Celtic Interconnector » par un câble sous-marin CCHT de 575 km et d’une capacité de 700 MWle projet avait expliqué Eric Thebault (4), Directeur de projet chez RTE, Pilote du Celtic Interconnector porté par RTE et EirGrid à energiesdelamer.eu doit « contribuer aux objectifs européens de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique. En effet, en Irlande, il va permettre un développement soutenu de l’éolien et son intégration dans le système électrique européen. En France, cette nouvelle interconnexion va permettre de bénéficier, si besoin, d’une électricité plus verte venue d’Irlande. …. Le projet va également contribuer à la sécurité d’alimentation électrique entre les deux pays, en leur permettant d’être solidaires l’un de l’autre en cas d’imprévus (intempéries, incidents techniques, pic de consommation).

Plus largement, le projet contribue à la solidarité électrique européenne et doit permettre à l’Irlande de bénéficier sans entraves du marché intégré européen de l’électricité, dans le contexte de sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne » et devrait entrer en service en 2026. 

 

 

Points de repère

 

19/08/2019 – Bernard Deboyser est ingénieur polytechnicien et consultant en énergie et mobilité durable, il développe des projets éoliens et photovoltaïques dans le cadre d’une coopérative citoyenne HesbEnergie dont il est un des fondateurs et l’administrateur-délégué. il collabore au site en ligne. www.Revolution-energetique.com

 

Energy Quality of Supply Work Stream (EQS WS) CEER Benchmarking Report 6.1 on the Continuity of Electricity and Gas Supply Data update 2015/2016CEER Benchmarking Report 6.1 on the Continuity of Electricity and Gas Supply Data update 2015/2016 – Ref: C18-EQS-86-03 paru le 26/07/2018

 

11/08/2019 – Presque simultanément une coupure de courant s’est produite sur le réseau national National Grid le 9 août, à cause des centrales électriques alimentées par la centrale à gaz et à vapeur de Little Barford appartenant à RWE d’une puissance de 727 MW, puis quelques deux minutes après celle du parc éolien en mer Hornsea 1. 

 

03/08/2018 – extrait de interview de Michel Cruciani, Chargé de mission au Centre de Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières (CGEMP) de l’université Paris-Dauphine, chercheur associé à l’IFRI. Le développement de l’éolien en mer du Nord dépendra-t-il également des interconnections entre pays européens ?

 

25/05/2019 – extrait de l’interview d’Eric Thebault, Directeur de projet chez RTE, Pilote du Celtic Interconnector.

 

 

Eurostat energiesrenouvelables EDM 20 09 019

 

 

 

Statistiques sur les énergies renouvelables : Eurostat données extraites en janvier 2018 


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