France – 16/12/2025 – energiesdelamer.eu.

Jean-Louis Levet, auteur d’un rapport [1] au Premier ministre en 2020 proposant une nouvelle stratégie nationale dans le domaine des grands fonds marins, était invité à intervenir à la Journée « Souveraineté et espace maritime Atlantique ».

À cette occasion, il a de nouveau insisté sur ce travail mené de façon intensive et collégiale il y a cinq ans qui attend toujours sa mise en œuvre.

Entretien avec Jean-Louis Levet

energiesdelamer.eu a demandé à Jean-Louis Levet sa vision sur l’avenir de l’Océan et des fonds marins, afin de tirer trois enseignements à la veille de la nouvelle année 2026. Alors que la dépendance des Etats pour les métaux essentiels dans de nombreux domaines tels que l’énergie, la mobilité, le numérique, la défense ou la santé, les terres rares font l’objet d’une attention particulière dans un contexte international d’approvisionnement sous tension, quelle place tient la France dans ce domaine et quelle politique mène-t-elle ?

Son rapport avait été remis en juillet 2020, et approuvé lors du Comité Interministériel de la mer (CIMER) en janvier 2021, présidé par le Premier ministre. Jean-Louis Levet avait été chargé, comme Conseiller Spécial, de mettre en œuvre cette stratégie nationale mise à jour avec une lettre de mission du Premier Ministre. Durant 7 mois, Jean-Louis Levet a mobilisé les 7 ministères concernés [2], les Collectivités d’Outre-mer (COM), l’ensemble des acteurs entrepreneuriaux, scientifiques, associatifs, etc. Le tout a débouché sur un « consensus actif » des parties prenantes autour d’une compréhension globale du sujet au-delà des ressources minérales, des enjeux, de l’étude comparée des stratégies des autres États dans le monde, de quatre priorités majeures pour une stratégie, de 8 projets très concrets, dont plusieurs en coopération internationale, et d’un plan de financement public/privé sur 10 ans.

 

Alors que le monde a changé, tant au niveau politique qu’économique et sociétal, le rapport est plus que jamais d’actualité et attend d’être mis en œuvre. Qu’en est-il aujourd’hui, alors que le CNRS a publié une expertise collective sur les terres rares (EsCO) en novembre dernier ? Comment situer au niveau mondial la question de l’Océan et des grands fonds marins ? Y a-t-il des changements structurels en cours ?

Jean-Louis Levet (JLL) : L’ère dans laquelle nous rentrons depuis une période récente est celle que je qualifierai d’un automne de la liberté et de la dignité humaine : aujourd’hui moins de 7% de la population mondiale vit dans un pays démocratique, soit moitié moins qu’en 2014 (Cf. The Economist Intelligence Unit, un centre de recherche qui mesure l’état de la démocratie dans le monde). Nous assistons ainsi à un recul de la démocratie dans le monde. Dans le rapport de l’institut suédois V.Dem de 2024, les « autocraties » (91) dépassent désormais en nombre les démocraties (88), pour la première fois depuis les vingt dernières années. Les temps actuels sont à la prédation et à l’impunité.

Quel rapport avec l’Océan et les grands fonds marins ?

Il n’est pas excessif de considérer que dans un État autoritaire, voire totalitaire, la reconnaissance de valeurs universelles et les enjeux éthiques ne sont pas les plus visibles ! On ne peut que constater que des régimes despotiques comme la Russie fondé sur l’arbitraire et la guerre, ou celui de la Chine, fondé sur le principe de la crainte en interne et de l’expansionnisme économique à l’extérieur, n’en ont que faire.
De même pouvons-nous faire aussi ce constat hélas dans certains pays démocratiques comme les États-Unis où le Président considère que son pouvoir n’a pas de limite et cherche à substituer au triptyque traditionnel libéral – libre marché/démocratie/droit, un autre triptyque destructeur y compris pour ses alliés traditionnels: protectionnisme offensif / autoritarisme / force.

En clair, c’est l’abandon de la démocratie libérale, théorisé depuis de nombreuses années par des intellectuels américains, que nous nous obstinons à ignorer.

Sans oublier des États européens en manque de projet politique dessinant un avenir, qui connaissent de ce fait une hostilité croissante des populations à l’égard des institutions et des élites. La France n’étant pas la dernière.

Quelles conséquences en tirez-vous ?

Pour les premiers, les comportements, les actions qui visent à accroître la puissance sans autre considération que leur propre intérêt ne peut que contribuer au recul du droit international et à la non prise en compte des enjeux environnementaux et éthiques y compris dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui.

Quant aux seconds (les pays démocratiques), l’objectif devrait être de se donner les moyens d’élaborer une stratégie et trouver un équilibre entre préservation des océans et développement humain. Mais comment mener à bien un tel travail quand la classe politique perd la confiance des populations ?

N’oublions pas un autre point fondamental : une autre transformation à l’œuvre est celle des groupes mondiaux du numérique en particulier américains qui considèrent la souveraineté des États comme une forme obsolète du développement des sociétés, voire un obstacle. Les fonds marins sont particulièrement concernés : 1 500 000 kms de câbles tapissent le plancher des océans et reposent pour plus des trois quarts entre les mains de groupes privés, essentiellement les GAFAM. 559 câbles sous-marins télécoms qui relient les continents. Ce nombre a été multiplié par deux en 10 ans. Il y a là un facteur de vulnérabilité essentiel dans ce monde où le droit international est régulièrement bafoué.

Et pour la France, quelle analyse faites-vous ?

La France connaît un paradoxe de taille, qui la pénalise bien sûr : l’Océan et les fonds marins n’ont jamais fait l’objet d’un projet global qui s’inscrive dans la durée, ni d’un grand récit porteur sur l’Océan ; mais d’une prise en charge réactive et souvent ponctuelle et donc partielle ; et ce alors même que la France a su construire dans la durée tous les atouts nécessaires depuis les années 50/60/70.

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POINTS DE REPÈRE

Où en sommes-nous pour les grands fonds marins ?

FMES avec le soutien du Cluster Maritime Français, la Marine Nationale … a co-organisé le 9 décembre 2025, au centre d’instruction naval à Brest, une journée sur « Souverainetés et Espace maritime Atlantique » autour des grands fonds marins, de la sureté et de la sécurité des données, de la formation. Cette journée était organisée avec le concours du Pôle mer Bretagne Atlantique. 

 

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