France – Mardi 02/10/2018 – energiesdelamer.eu. 2/2 – Journée du 26/09/2018 – Geoffroy Caude, Membre Permanent du CGEDD et Président de l’AIPCN était le grand témoin des 8è Assises « Port du futur ». Chargé de tirer le bilan des deux journées, energiesdelamer.eu reproduit sous forme de tribune son compte-rendu avec son aimable autorisation.

02 10 018 Geoffroy Caude copyrright EDMMercredi 26 septembre 2018

Quatre autres tables rondes se sont déroulées au cours de cette journée:

Table ronde n° 2 « Des ports dynamiques pour répondre aux défis de demain »

La seconde table ronde a permis de mieux comprendre les ressorts qui permettent aux ports d’asseoir leur dynamique et de répondre aux défis et aux contraintes de leur environnement.

 

 

 

Les cinq expériences présentées peuvent être regroupées en trois axes ;

 saisir des opportunités et faire des contraintes une opportunité de rebondir :

1 – c’est en partie le cas du port de pêche de Lorient-Kéroman où Jean-Paul Solaro a montré comment à partir de la problématique de la pérennisation de l’utilisation d’eau de mer dans une baie aux effluents industriels et urbains étroitement imbriqués a conduit à imaginer un projet qui s’appuie sur les contraintes propres au PPRT -Plan Prévention des Risques Technologiques- lié aux dépôts de produits pétroliers pour investir dans une nouvelle station de traitement des eaux pluviales dédiée à la pêche d’un montant de 12 M€,

2 – c’est aussi le cas des Ports de Paris où le quatrième port après Gennevilliers, Bonneuil sur Marne et Limay situé à Conflans et dénommé Port Métropole Ouest, tire à la fois parti d’anciens terrains pollués pour en faire des espaces paysagers et des contraintes posées par un exploitant de carrières pour négocier avec lui un phasage d’exploitation compatible avec un projet de développement conséquent qui s’étage entre 2020 et 2040 avec des périodes de pause compatibles avec l’exploitation du gravier,

3 – enfin d’une certaine manière comme l’a montré Yves de Montgolfier cela a aussi été le cas du GPM de la Guadeloupe qui a tiré parti du projet d’expansion du canal de Panama inauguré en 2016 pour adapter sa capacité d’accueil des porte-conteneurs pour la porter progressivement de 2000 à 3500 puis à 6500 EVP (Equivalent Vingt Pieds),

– c’est aussi répondre aux opportunités des clients : le cas de Sète Ports sud de France présenté par Olivier Carmès l’illustre clairement puisque malgré l’observation très générale sur la diminution progressive des produits pétroliers BP dont le sealine était précaire s’est laissé convaincre d’améliorer sa situation en remplaçant un sealine par un appontement protégé dans l’enceinte du port avec un investissement à la clef de 100M€,

– enfin, il s’agit aussi d’anticiper en partageant le développement du port avec les parties prenantes et avec le grand public, c’est l’enseignement que Michel Puyrazat, du GPM la Rochelle nous a présenté. Il a fait valoir l’expérience du port de la Rochelle à ce sujet en montrant comment la communauté portuaire rochelaise avait su bénéficier de la nouvelle loi de 2016 sur l’association du public pour partager les projets d’investissement du port ce qui avait nécessité d’adapter le langage au grand public (exemple des tirants d’eau). Il a aussi montré les fortes relations entre ville et port dans le domaine de la décarbonation en évoquant le projet – La Rochelle 1er territoire littoral zéro carbone – mené avec la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, associée à la Ville, à l’Université** (LUDI), Atlantech et Port Atlantique La Rochelle qui représente un projet de territoire dont le port est un des acteurs et insisté sur les échanges réciproques d’expérience.

A cet égard on peut souligner que l’IAPH, association internationale des ports avait monté depuis plusieurs années la WPCI (World Port climate initiative) et a, plus récemment, lancé la WPSP (World Port Sustainable Program) où sont présents à la fois l’AIPCN et l’AIVP. C’est donc bien au niveau national comme dans le cas de La Rochelle qu’au niveau international que ces efforts conjugués entre villes et ports pour une décarbonation se poursuivent : l’AIPCN a d’ailleurs mis en place à la fois le groupe de travail permanent sur le changement climatique (PTGCC) et, lors de la COP 21, une coalition de partenaires internationaux avec l’IAPH, l’IMPA pour les pilotes, l’IHMA pour les commandants de ports. L’AIPCN quant à elle produit des réflexions sur trois sujets, l’adaptation des infrastructures portuaires et fluviales au changement climatique (GT 178), les outils de gestion pour la décarbonation dans les ports (GT 188) et les méthodes de conception d’infrastructures plus résilientes pour la navigation maritimes et fluviale (GT 193).

 

Table ronde n° 3 « Construire et dynamiser son hinterland »

La troisième table ronde a permis d’échanger sur les différentes perceptions de l’hinterland par des ports et sur les différentes composantes d’une stratégie de positionnement agile sur ces hinterlands.

L’impression qui s’en dégage est, que l’on est passé progressivement de la notion d’hinterland géographique encore relativement bien délimité à un hinterland de chalandise et de clients, qui avec la multiplicité des offres logistiques ne correspond plus vraiment à une notion géographique établie. L’incertitude relative à la pérennité des implantations et aux alternatives logistiques accessibles aux chargeurs a requis des ports un effort de cohésion accrue des places portuaires et de recherche de partenariats, notamment avec les modes massifiés que sont le fleuve et le fer pour les longues distances.

Les stratégies d’axe ont été particulièrement bien mises en valeur successivement :

par Jean-Christophe Baudouin, délégué interministériel au développement de l’axe portuaire et logistique Méditerranée-Rhône-Saône, dans le cadre de la mission spécifique qu’il a reçue du Premier Ministre, pour réfléchir à la fois à une stratégie d’axe et à une stratégie de façade maritime et pour proposer des mesures d’amélioration à court terme,

par Fabienne Margail du GPM de Marseille qui a montré comment la démarche Medlink s’est construite autour de la pénétration fluviale de l’hinterland sur Lyon, puis sur Pagny-sur-Saône en associant Voies navigables de France – VNF et la Compagnie générale du Rhône – CNR, auquel s’est adjoint dans un second temps le sujet de la pénétration ferroviaire. Cette démarche se poursuit en associant au-delà des 20 partenaires de Medlinkports, les chargeurs et les transitaires pour les matières dangereuses. Elle a ensuite élargi son explication et montré que ces pénétrations permettent d’associer des cercles d’acteurs successifs en trouvant avec les outils de massification des intérêts communs à agir,

par Emilie Gravier du port de Strasbourg qui a montré comment les 9 ports du Rhin supérieur de Bâle à Ludwigshafen se sont organisés et sont parvenus à collaborer non seulement pour partager des connaissances sur leurs positionnements respectifs, et plus largement aussi et, non sans peine, pour tenter de remédier à l’effet frontière qui fait que le coût d’un acheminement ferroviaire entre Strasbourg et Rotterdam pèse pour 20% sur le seul tronçon ferré Strasbourg-Kehl.

Ce cheminement a permis de partager la connaissance des investissements futurs, si bien que le terminal à conteneurs de Lauterbourg perçu au départ comme un concurrent par le port de Karlsruhe a fini par être perçu comme un atout face à la saturation des TC du port.

Le cas de la plate-forme de Dourges présenté par Xavier Perrin de la Société Portuaire Locale de Delta 3, proche de Lille, témoigne quant à lui de la situation d’une plateforme qui cherche de par sa situation de plateforme trimodale à n’accueillir que des clients soucieux de report modal et qui se tourne vers les modes fluviaux et ferroviaires pour favoriser des services de connexion vers les ports maritimes adjacents (le GPMD actuellement) et avec une expérience antérieure avec Le Havre.

Enfin Jérôme Giraud du port de Toulon a montré l’étroite connexion qui existe entre la performance de la place portuaire prise dans son ensemble et la possibilité pour des ports régionaux de se positionner sur des marchés de niche : 75% des flux vers la Corse avec un redéploiement vers les îles de Sardaigne et les Baléares dès que le marché du low cost aérien est venu diminuer les parts de marché.

Il a aussi utilement rappelé que l’ordre des facteurs pour les chargeurs qu’il pratique sont la fiabilité, la performance et le coût dans la mesure où le coût global de la chaîne compte pour le chargeur.

La rapidité de réaction de la place portuaire à trouver des solutions logistiques performantes est donc un élément essentiel de l’efficacité de la place portuaire.

 

Table ronde n° 4 « Quelles innovations pour concevoir des infrastructures portuaires respectueuses de l’environnement »

Olivier Piet, directeur sectoriel du Cerema, membre de la commission maritime de l’AIPCN (association mondiale pour des infrastructures de navigation maritimes et fluviales), initialement créée en 1885 sous la dénomination d’association internationale permanente des congrès de navigation a rappelé que cette association est à la fois un réseau de 2000 experts ou spécialistes des infrastructures de navigation maritime et fluviales et de 450 entreprises ou organismes dans 40 pays principaux et avec des ramifications dans 80 pays au total avec le double objectif de produire des rapports de bonnes pratiques internationales et des conférences ou congrès internationaux et nationaux. Parmi les champs de préoccupation on peut mentionner le concept « Working with nature » porté par Paul Scherrer, l’ancien chef du projet PORT 2000 au Havre et le groupe de travail permanent des universités (PTGU).

Optimiser la conception des ouvrages marins grâce à la modélisation prédictive des durées de vie par Jonathan Mai-Nhu, du CERIB Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton : 80% des pathologies viennent de la corrosion des armatures si bien que la combinaison des approches prescriptive et performantielle associées à la modélisation permet d’anticiper la dégradation possible du béton dans le temps. Il permet également de mieux dimensionner l’enrobage des armatures là où les normes ou les règles n’existent pas encore : le projet a été déployé pour la construction du viaduc de la RN1 de la route du littoral à La Réunion.

Le projet AGESCIC, a pour objectif d’apporter des solutions innovantes et efficientes pour diminuer l’impact des travaux d’aménagements côtiers sur l’écosystème marin. Cette une innovation systémique pour la réduction des impacts acoustiques/turbiditiques des travaux d’aménagements côtiers et portuaires porté par Damien Demoor de Naval Group. Comme les bruits émis par les travaux maritimes se situent dans les mêmes gammes de fréquence acoustiques que nombre d’animaux marins et comme la directive cadre sur le milieu marin prévoit de systématiser l’usage du descripteur 11 sur le niveau acoustique et sur la turbidité un groupe d’entreprises comprenant Naval Group, Bouygues TP, Créocean, UPC etc… mène un projet de recherche dans le cadre du programme Life avec un démonstrateur prévu en 2020 avec recherche d’un port pilote. Naval Group travaille sur une membrane gonflable escamotable de confinement multicouche (Subsea Quieter) linéaire ou cylindrique confinant la zone de travaux. Le projet est labellisé par les deux pôles mer.

Le projet de sonde DIAMOND (Diagnostic corrosion et Monitoring) est présenté par Sébastien Bergerot de A-Corros et par Jean-Louis Perrin, du Lerm de la Setec.

Il vise à améliorer la durabilité des ouvrages en béton armé et des structures métalliques avec une mesure préventive consistant à mesurer à l’aide sondes des vitesses de corrosion et à les relier à un dispositif d’enregistrement continu (monitoring). Ces sondes sont en cours de test à EDF sur une des tours d’aéroréfigération de la centrale nucléaire de Flamanville et pour la CNR sur le barrage de Vallabrègues.

Enfin, Olivier Denoux d’Elengy a montré comment Elengy (ex. GDF) adaptait ses installations portuaires des trois terminaux méthaniers de Fos Tonkin, de Fos Cavaou et de Montoir de Bretagne, à la chaîne logistique d’approvisionnement en GNL des camions et du soutage en modifiant les postes de réception des méthaniers.

Les outils spatiaux technologiques ont été évoqués et pourraient donner lieu à d’autres présentations lors des prochaines assises sur les sujets de subsidence, de contrôle des digues, de niveau marin,…

  

Table ronde n° 5 « Solutions innovantes de traitement et de valorisations des sédiments de dragages »

Enfin la dernière session est consacrée aux dragages.

En introduction des interventions Pierre-Yves Belan, Chef de la division impacts environnementaux des activités du Cerema, rappelle les enjeux économiques et environnementaux du dragage en France.

Diverses solutions ont été présentées tour à tour:

– Sébastien Taviot du GPM de Guyane a montré comment le GPM avait développé une solution innovante combinant dragage par injection et remorquage pour se prémunir contre les bancs de vase provenant de l’Amazone,

– Pascal Gabet et Sandrine Samson, d’HAROPA – Port de Rouen ont illustré quelques réalisations concrètes de valorisation des sédiments de dragage, notamment dans la partie supérieure du chenal,

– Daphné Glaser d’Envisan, filiale de Jan de Nul, a illustré comment cette société avait développé un centre de traitement des sédiments sur le site de Brégaillon ce qui lui avait permis de remporter le marché de traitement des sédiments non valorisables de l’extension en mer du port de Monaco et a plaidé à cette occasion pour que d’autres maîtres d’ouvrage favorisent le recours à cet outil original. (A lire également l’article du 21/06/2018 sur sélection des pilotes pour Bouygues par La Touline.

Michel Cavailles directeur de Port Camargue a montré comment avait germé l’idée avec EMCC que la présence de cuivre et de TBT se situait sur les fractions fines des sédiments ce qui a permis grâce à un calibrage par des hydropompes,

«Une étude réalisée en 2009 avait montré que la pollution du port était concentrée dans une couche superficielle de particules fines représentant 5% du volume total. L’idée est d’isoler ces sédiments pollués et de valoriser le reste. A l’époque, Michel Cavailles avait déclaré « nous espérons ainsi limiter le coût du traitement à 20 euros/m 3, alors que l’élimination d’un déchet coûte 200 euros/m 3

Le Projet Sédibric par Frédérique Bourdin, HAROPA Port du Havre.

Cliquez pour lire la suite du compte rendu 1/2

Synthèse rédigée par Geoffroy Caude, reproduite avec son aimable autorisation.

Les commentaires sont de la Rédaction du site energiesdelamer.eu

*L’hinterland désigne la zone d’influence et d’attraction économique d’un port, c’est-à-dire la zone qu’un port approvisionne ou dont il tire ses ressources.

En 2019 et 2020 – Hommage à Claude Gressier par le CGED

Philippe Joscht a souhaité rendre hommage à Claude Gressier qui assurait régulièrement le rôle de grand témoin des assises des ports du futur antérieurement et cette huitième session est en quelque sorte dédiée à sa mémoire.

Geoffroy Caude du CGEDD, a annoncé, que le CGEDD conscient du rôle essentiel joué par Claude Gressier tant pour les ports que pour le secteur des transports terrestres dans son ensemble organisera en 2019 deux séminaires de commémoration et de mise en perspective de ses travaux, le premier en juin 2019 sur le thème de la socio-économie et des grandes infrastructures de transport et le second à la fin septembre 2019. Le séminaire de septembre se tiendra pendant la conférence PIANC Smart Rivers organisée par la section française de l’AIPCN dont le secrétariat est assuré par le CEREMA. Le thème sera le transport maritime, les ports, la logistique et les grands corridors de fret européen « . Par ailleurs, un numéro spécial des « Cahiers d’histoire » du CGEDD (dont la parution pourrait être programmée fin 2020) pourrait être consacré au thème « histoire de la planification et de la programmation des infrastructures de transport en Europe et dans le monde».


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