France – (U.E) – Vendredi 26/06/2015 – Energies de la Mer –  En plein débat sur la transition énergétique, les négociations Climat, le marché carbone, la préparation du 3è volet de l’appel d’offre éolien offshore, de l’AMI éolien flottant … la Tribune libre parue dans Le Huffington Post, Progressistes pour le Climat et que nous publions simultanément sur « Energies de la mer » montre combien il est tout à fait utile que l’information de la part de nos gouvernants sur les vrais coûts de la production d’énergie soit plus claire. 

 

 

 

La Tribune de Jacques Roger-Machart, Responsable du groupe de travail « Energie et Développement durable à la Fondation Jean-Jaurès, Damien Borot, Associé Dirigeant d’Eole Avenir Développement et Bernard Tardieu, Président de la Commission « Energies et Changement climatique de l’Académie des Technologies montre bien, au détour d’une phrase, tout le chemin qu’il reste à parcourir pour que la filière des EMR, notamment celle de l’éolien offshore, ses enjeux industriels et sociétaux soient mieux connus et mieux perçus économiquement, politiquement et financièrement.

Pour le moment seule l’Usine de la Rance produit de l’électricité… Nous n’avons pas encore d’éolienne en mer, et les hydroliennes Open Hydro de DCNS et Sabella D10 (qui a été immergée hier dans le passage du Fromveur) ne sont pas raccordées au réseau… au moins elles – elles sont dans l’eau. Merci DCNS/ EDF, Merci JF Daviau et ses financiers dans les deux cas la Région Bretagne.

 

« La transition énergétique dont nous parlons a pour objectif de « décarboner » l’énergie consommée afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Elle n’est pas, comme en Allemagne ou comme certains le laissaient croire lors du « Grand Débat » en 2013, de sortir aussi du nucléaire; ceci est une autre question. Le nucléaire est pratiquement à zéro émission, comme les énergies renouvelables, donc vertueux au regard du dérèglement climatique.

Cet objectif de réduction des émissions est central; le développement des énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique ne sont que des moyens pour y parvenir. A cet égard, il est heureux que l’UE ait adopté pour 2030 un objectif de réduction de ses émissions plus ambitieux (-40%) que les objectifs concernant ces deux autres domaines (27%).

Pas de dogmatisme mais du pragmatisme

Il faut se garder de tout dogmatisme selon lequel les énergies renouvelables seraient seules acceptables; elles le sont lorsqu’elles se substituent effectivement à des énergies fossiles. Elles le sont beaucoup moins si on maintient en activité des centrales thermiques vieillissantes, voire si on augmente simultanément la production de ces centrales en profitant des prix bas du charbon. A cet égard, il faut absolument rendre plus efficace le marché carbone européen (ETS) qui dysfonctionne avec des prix actuellement trop bas à 7 euros la tonne de CO² qu’il faut porter à 20 ou 25 euros en 2020 et au moins à 50 euros en 2030.

Pas de solutions trop coûteuses qui deviendraient inacceptables

Dans le cas de la France, il convient certainement de poursuivre le développement des énergies aujourd’hui matures (éolien terrestre) ou proches de la maturité (solaire photovoltaïque), ou encore par la biomasse de deuxième génération, mais en veillant aux coûts. A cet égard, la CSPE qui les finance, dont le montant pour les consommateurs est encore à peu près indolore, devrait atteindre, toutes choses égale d’ailleurs, 8 milliards d’euros vers 2020, ce qui apparaîtra vite insupportable. En cause notamment, malgré son coefficient de charge élevé, l’éolien offshore très cher sur nos côtes qui n’ont pas de hauts fonds comme en Baltique.

L’implication des collectivités locales pour maîtriser la demande et développer les sources locales d’énergie

L’effort principal dans notre pays doit porter sur l’efficacité énergétique et la maîtrise des consommations. Pour ce faire les collectivités locales doivent devenir des acteurs majeurs car elles peuvent influer sur les consommations privées en agissant sur les données structurelles suivantes:

  • l’aménagement du territoire et l’urbanisme, pour que les villes soient plus denses, et que la localisation des habitats-emplois-services soit plus équilibrée,
  • les politiques de l’habitat pour inciter à la construction de bâtiments économes en énergie ainsi qu’à la réhabilitation des bâtiments publics, des immeubles tertiaires et de l’habitat privé,
  • la promotion des solutions collectives de chaleur et de climatisation, souvent plus économes en énergie et plus propices à l’usage de la biomasse,
  • une architecture de réseaux complémentaires entre la chaleur et le gaz,
  • la mise en place de dispositifs intelligents de maitrise de la demande (« smart energy management » concept préférable à celui de « smart grid »).

Il est regrettable que la loi de transition énergétique, en fin de parcours parlementaire, soit restée bien timide à cet égard. Elle n’a pas osé remettre en cause le monopole des opérateurs historiques qui n’ont aucun intérêt à ce que la demande diminue: ERDF ou GRDF pour les réseaux, Edf et ENGIE pour la fourniture aux tarifs réglementés de l’électricité et du gaz. Il serait pourtant cohérent de donner aux collectivités locales une vraie maîtrise sur les réseaux et surtout une capacité d’assistance aux ménages ou aux petits professionnels pour l’optimisation de leurs consommations. Nous plaidons pour une vraie décentralisation de la fourniture d’énergie aux clients finals vers des services publics locaux (à une maille suffisamment large, associant urbain et rural), ceux-ci s’approvisionnant sur les marchés de gros. Nous plaidons également pour une plus grande responsabilité des collectivités locales dans le développement des ressources locales d’énergie en leur donnant compétence d’autorisation de construire et d’exploiter les installations de production éolienne, solaire ou biomasse car elles sont les plus à même d’en apprécier et d’en favoriser l’acceptation.

 

Sortir du « tout pétrole » dans les transports

Reste que la transition énergétique ne doit pas se limiter aux énergies de réseaux. Il convient aussi de sortir du « tout pétrole » dans les transports et progresser vers des mobilités durables, sujet sur lequel la Fondation Jean-Jaurès publiera prochainement une note. L’aménagement du territoire et l’urbanisme doivent tendre à limiter les déplacements contraints. Tel est le cas pour les livraisons de marchandises en rapprochant des centres urbains les plateformes intermodales, rejetées aujourd’hui en grande périphérie, afin de permettre l’usage de camionnettes de livraison électriques sur le « dernier kilomètre ».

En outre, l’émergence du numérique ouvre de vraies perspectives de mobilités, tant pour la robotisation des transports publics, qui en accroîtra l’efficience, les capacités et la régularité, que pour l’autopartage qui, à parc donné, permet de multiplier le nombre d’occupants par voiture et peut conduire à de véritables solutions de services publics (comme Autolib ou Blablacar). Ces solutions de « voitures servicielles » sont sensiblement moins coûteuses que d’investir sur de nouvelles infrastructures de transports publics (comme le Grand Paris Express).

Il convient enfin que les réglementations publiques des villes et de l’Etat continuent d’exercer dans la durée une pression sur les constructeurs automobiles pour que soient diminuées les émissions de CO² à 75 g/Km en 2025 et qu’ils soient incités à préparer des véhicules hybrides rechargeables ou à pile à combustible à hydrogène, lequel pourrait être produit par électrolyse en utilisant de l’électricité fatale.

Changer de paradigmes

En conclusion nous plaidons que la loi aide les acteurs à changer de paradigmes: dans les transports en misant sans réticence sur le numérique, quitte à bousculer des rentes de situation; en décentralisant la relation aux petits consommateurs par des services publics locaux d’électricité et de gaz; en fixant des prix de CO² pour l’industrie véritablement dissuasifs. Et tout cela sans nécessairement réduire inutilement nos consommations d’énergie; le progrès, notamment dans la digitalisation des données, entraînera des besoins nouveaux. Il doit plutôt s’agir de mieux consommer pour mieux vivre ensemble! »


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