France – 11/09/2023 – energiesdelamer.eu.

À l’aube des prochains débats publics par Façade présidés par Floran Augagneur, Laurent Bordereaux, professeur de droit du littoral à La Rochelle Université a publié une tribune dans le quotidien Sud Ouest. Il souligne le besoin d’une protection forte, y compris dans les zones Natura 2000.

 » À l’heure de la loi ENR du 10 mars 2023 et du pacte vert pour l’Europe, rien ne semble devoir remettre en cause le développement de l’éolien offshore dans les zones protégées au titre du dispositif européen Natura 2000. Malgré des critiques appuyées, les deux grands projets éoliens français en mode « posé », au large de Dunkerque et d’Oléron, demeurent localisés au sein d’une zone de protection spéciale (ZPS) au titre de la directive européenne sur la conservation des oiseaux.

Les maîtres d’ouvrage semblent persuadés de la compatibilité de tels projets avec les dispositions régissant les sites Natura 2000, se focalisant sur la souplesse du dispositif. Pour autant, l’implantation de tels parcs n’échappe pas à l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne, qui, au-delà de la singularité de chaque affaire, questionne pour le moins les choix du gouvernement.

La jurisprudence des juges de Luxembourg ne saurait en effet être négligée sur la question de l’absence de solutions alternatives, laquelle devient centrale dès lors que l’on s’accorde à reconnaître que l’évaluation environnementale requise aura bien du mal à conclure avec certitude qu’un chantier éolien en zone Natura 2000 est dépourvu d’effets préjudiciables sur les objectifs de conservation du site.

S’il paraît illusoire de penser que la condition de la raison d’intérêt public majeur puisse constituer une menace juridique sérieuse au regard des enjeux de la transition énergétique, la condition de l’absence de solutions alternatives pourrait s’avérer beaucoup plus délicate. Et d’autant plus épineuse qu’elle n’aura pas été appréhendée dès la conception du projet…

Pourrait-elle faire l’objet d’une acception a minima, qui consisterait alors, à l’aide de bureaux d’études, à recenser des secteurs dits de « moindre impact » au sein de la zone Natura 2000 en cause ? Nous ne le pensons pas : une telle approche ruinerait l’esprit des directives Natura 2000, qui commande bien que les projets préjudiciables aux sites retenus au titre des directives oiseaux et habitats soient implantés en dehors de ces zones, sauf en l’absence de solutions alternatives… La solution alternative ne se trouve pas, a priori, dans la zone Natura 2000 !

Deux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment, attirent l’attention sur l’importance de cette condition (1). Il en ressort que « même justifiées, les atteintes à l’intégrité d’une zone spéciale de conservation ne sont autorisées que si elles sont réellement inévitables ». Ensuite, « en ce qui concerne le coût économique des mesures susceptibles d’être prises en compte dans le cadre de l’examen des alternatives, compte tenu de l’interprétation stricte […], il ne saurait être admis que le seul coût économique de telles mesures puisse être déterminant pour le choix des solutions alternatives ». Enfin, il a déjà été jugé en 2006 qu’en n’examinant pas des solutions situées à l’extérieur d’une zone de protection spéciale de protection des oiseaux (même si ces dernières présentaient des difficultés), un État membre n’a pas démontré l’absence de solutions alternatives.

Aujourd’hui, rien ne garantit les gouvernements européens qu’un tel raisonnement ne leur sera pas appliqué en cas de contentieux. Il appartiendra alors au maître d’ouvrage titulaire de l’autorisation contestée de démontrer qu’il n’existait réellement pas d’autres issues que l’implantation en zone protégée.

Dans une logique de fermeté, cette démonstration ne doit pas être fabriquée a posteriori, dévoilant alors que le sujet n’a pas du tout été pris au sérieux ab initio. La philosophie du système n’est pas de dire qu’ « il aurait été difficile de faire autrement », mais de démontrer que le projet a bien été conçu en envisageant tous les scenarii pour éviter la zone Natura 2000 en cause. Est-ce bien systématiquement le cas ? Quoi qu’il en soit, c’est à ces conditions que la politique éolienne en mer sera de nature à emporter la conviction.

 

POINTS DE REPÈRE

 

 

Droit de l’environnement et énergies marines renouvelables : Un « Pas de deux ! » Analyse du Pr Laurent Bordereaux

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