QUIMPER – (Bretagne – France -U.E.) – 15/01/2010 – energiesdelamer.eu – Beaucoup d’agitation cette semaine dans les médias français autour de l’éolien offshore français désormais affublé de l’appellation d’« éolien maritime« .  Allons-y donc pour l’éolien maritime !  Le premier à lancer le mouvement a été Le Figaro ICI qui titrait fort justement dans son article du 11 janvier par une question rappelant une formule que j’ai maintes fois utilisée dans energiesdelamer.eu depuis 3 ans :  » L’éolien offshore : la France à la traîne ? « . Si Le Figaro, qui n’est pas un media particulièrement subversif, en vient à se poser cette question, c’est que le problème ne peut plus être ignoré. Combien de fois ai-je écrit ici que je voyais mal comment tenir d’ici 2020 l’objectif des 6000 MW fixé par le gouvernement soit l’équivalent de 6 centrales nucléaires (et non pas 6000 GW comme l’a écrit Le Figaro) attendu qu’à l’heure actuelle pas le moindre petit watt éolien offshore n’est produit ?  Le Figaro rappelle non sans humour que le parc éolien  maritime le plus avancé (le projet Enertrag de Veulettes-sur-mer (cf. notre article (ICI)) prévu pour 2011-2012 produirait  annuellement 105 MW !!!! A ce rythme là,  en 2020 nous en serions donc au mieux à  1500 MW. Sur les 6000 prévus, c’est pas bézef  comme on dit en breton !

Le Figaro ne se livre pas à ce rapprochement chiffré mais se fait principalement l’écho d’une constatation du SER (Syndicat des Energies Renouvelables) selon laquelle « la législation et la réglementation françaises telles qu’elles ont été élaborées pour le développement de l’éolien à terre ne répondent pas parfaitement aux nécessités de l’éolien offshore ».

Une telle affirmation  laisse supposer que l’on n’a pas réfléchi en France à l’éolien offshore, ce qui n’est pas tout à fait exact. J’en veux pour preuve un rapport datant de 2002 mis en ligne par la Documentation Française et qui concerne précisément des  « Recommandations pour une politique nationale d’ Énergie éolienne en mer « (PDF  ICI).  Si les recommandations de ce rapport avaient été suivies par le politique, cela aurait sans doute permis à la France d’être dans un état d’avancement équivalent à celui des autres pays de l’Union Européenne sur le plan de l’éolien maritime. Je  reviendrai sous peu sur la complexité du cadre réglementaire français (car il existe bel et bien) en matière d’énergies marines en général et pas seulement d’éolien maritime et sur la nébuleuse d’administrations qui en partagent la gestion. Dans ce domaine nous n’avons rien à envier aux Etats-Unis et aux querelles maintes fois contées ici entre le Département de l’Intérieur, celui de l’Energie et celui de l’Environnement.

Soyez assurés que les tiraillements entre nos Préfectures de RégionDRIRE, DREAL, PREMAR, Secrétariat Général de la Mer, et DRAM n’ont rien à envier au « trou noir » administratif américain dans lequel, selon une célèbre formule « tout projet est appelé à disparaître » ! Je ne parle même pas du rôle considéré par beaucoup comme assez flou sur le terrain  du MEEDDM, ex MEEDDEM ex MEEDDAT ex MEDDAD, qui, plutôt que de faire des essayages de sigles tous les 3 mois, ce qui commence à devenir symboliquement bizarre, serait mieux inspiré de jouer pleinement son rôle de Ministère d’État. Beaucoup d’États européens ont à gérer ces « conflits » administratifs et quelques-uns y parviennent en fonction de leur priorité. Mais puisque d’État il est question,  je rappellerai modestement au passage – car cela n’est apparemment pas inutile – que l’État en France, (et les préfets qui le représentent donc) est souverain sur le domaine public maritime et peut parfaitement imposer ce qu’il veut (à condition que cela soit  légal), et empêcher tout ce qu’il ne veut pas (que ce soit légal ou non). Concernant l’éolien maritime, force est de constater que cette volonté souveraine s’est plutôt exprimée jusqu’à aujourd’hui en négatif. Quand le Syndicat des Énergies Renouvelables, par le biais du Figaro, dénonce une législation inadaptée, c’est pour avancer la proposition de voir  l’existant assorti de nouvelles dispositions sur les Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) (visiblement déjà toutes prêtes à être incluses dans le Grenelle 2).   Pour certains « une déclinaison adaptée à la mer de la législation communautaire (directive 2001/42 et directive 85/337) sur l’évaluation environnementale permettait de couvrir tous les projets en mer, qu’ils concernent l’énergie ou le reste ».

Pour d’autres toutes ces arguties autour de l’implantation sur le domaine public maritime résulte du flou dans la planification stratégique adoptée jusque-là. Si je résume ce que je peux entendre de-ci de-là : les outils législatifs seraient à portée, voire existants ou en tout cas  adaptables, mais certaines sphères gouvernementales ne semblent pas vouloir entendre  que l’application de lois déjà existantes constitue un geste politique aussi fort que la mise en place de nouvelles dispositions législatives. Face à une telle situation la question commence à se poser sérieusement de savoir si l’on veut réellement sortir de l’ornière énergétique dans laquelle on se trouve ou si l’on veut s’y enfoncer encore plus à grands coups de gesticulations théâtrales. « Comme pour faire croire que l’on aura tout essayé » ajoutent les plus critiques ! Et oui la France possède la deuxième façade maritime mondiale mais toujours 0 MW produit et 0 parc éolien maritime construit alors que le Royaume-Uni, le Danemark, l’Allemagne,  la Belgique…  ont déjà les leurs et, qui plus est, raccordés à leurs réseaux nationaux.  Effectivement, Figaro, le moins que l’on puisse dire est que la France est à la traîne !!!

Mais  voilà que non content d’être à la traîne, on continue à penser que c’est en maniant l’effet d’annonce que l’on a une chance de s’en sortir.  En effet c’est dans cette atmosphère d’interrogations généralisées et d’incrédulité grandissante que le média Le Télégramme ICI se fait hier l’écho du projet d’établir 400 à 500 éoliennes au large de la Bretagne. Allez hop hop hop  !  Si on lit bien cet article dans le détail on est saisi pour ne pas dire atterré par les chiffres annoncés. On n’annonce rien de moins que 2400 MW d’éolien au large de la Bretagne, soit l’équivalent de deux tranches et demi de nucléaire (énorme !) dont 400 MW (soit 4 fois la production prévue par Enertrag à Veulettes) devraient  être produits (miraculeusement je ne vois pas d’autres solutions)… pour 2012  !   Oui vous avez bien lu tout ça dans 2 ans ! Je n’ai rien contre les défis fous mais là pour le coup, la question se pose  sérieusement de savoir si on ne nous raconte pas un peu n’importe quoi et si on ne nous prend pas carrément, en gros,  pour des cons ?! Comment pourrait-on produire 400 MW en Bretagne d’ici  2012 alors que l’on n’est même pas capable de monter la première éolienne qui devrait permettre de produire les malheureux 105 MW de Veulettes-sur-mer (car je rappelle encore une fois qu’à Veulettes, l’Etat a aussi  le pouvoir de taper du poing sur la table et d’imposer sa volonté souveraine sur le domaine public maritime quelles que soient les procédures en cours) ?  Mais revenons à notre plan breton  !  Comptons donc sur Dylan (le Dieu de la mer des Bretons) qui va nous sauver de tout !  La première réunion départementale de concertation a eu lieu hier à Quimper avec pour but d’établir une cartographie bretonne des « grandes zones »  bien que le Préfet ait déjà averti que  « ce zonage était indicatif  et ne constituait pas un POS (plan d’occupation des sols) de la mer ». Ça commence bien ! Le comité local des pêches du Guilvinec a déclaré pour sa part ne pas être hostile à l’éolien en mer. Les sociétés environnementales ne sont pas à priori hostiles non plus à condition d’étudier les couloirs migratoires maritimes des oiseaux. Bref le projet de planification devra être présenté le 27 janvier (hop hop hop !) lors de la conférence régionale de la mer et du littoral (réunissant Préfecture de région et Conseil régional), pour être transmis au MEDDM fin février et être déposé sur le bureau du ministre d’État (donc) Jean-Louis Borloo en personne. Super ! On attend donc avec impatience le résultat (hop hop hop)!

En attendant, le Pôle Mer Bretagne, de même que de nombreux autres interlocuteurs du terrain, fait  remarquer à juste titre qu’il  serait peut-être judicieux de ne pas penser l’éolien maritime en dehors des autres énergies de la mer et notamment de l’hydrolien.  Bien que de nombreuses voix le recommandent, l’Etat reste étrangement sourd  à cette recommandation.  Quant à la question de savoir « qui va payer ? »,  le « futur parc breton »  le bureau d’études spécialisé dans les questions maritimes et côtières In vivo environnement estime d’ores et déjà qu‘aucun développeur n’a aujourd’hui 300 millions de fonds propres à investir dans une opération de ce type ! Aurons-nous un gouvernement qui, comme celui du Royaume-Uni par exemple, a décidé par la bouche de son Premier ministre (cf. notre article du 12 janvier 2010 ICI) d’attribuer des zones précisément définies et de poser 100 milliards sur la table pour le développement de toutes les énergies marines de la seconde façade maritime mondiale ?
Hop hop hop !

Article : Francis ROUSSEAU

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Pour mémoire, vous pouvez consulter nos articles sur l’éolien offshore français et allemand :
1. Eolien français Chap I Nass & Wind
2. Eolien français Chap II Blu H france
3. Eolien français Chap III enertrag
4. Eolien français Chap IV wpd offhore france
5. Eolien  offshore Allemand


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