ANCHORAGE – (Alaska- Etats-Unis) – 02/09/2010- Dans plusieurs de ses notes et rapports consultables dans sa banque de données en ligne, le World Energy Council (Conseil Mondial de l’Energie) a publié ces dernières années de nombreuses statistiques concernant les extraordinaires ressources énergétiques non-fossiles de l’Alaska. Plus récemment une estimation a été avancée selon laquelle l’Alaska recèlerait à lui tout seul plus de 90% du potentiel des énergies marines des Etats-Unis. C’est un chiffre intéressant mais comme plusieurs Etats des Etats-Unis prétendent au même pourcentage, ce genre de comparatif commence à en laisser songeur plus d’un (dont moi ! ). Pour l’heure, l’Alaska, 49e État de l’Union, fournit aux Etats-Unis 17% de son pétrole brut et tire 90% de ses ressources financières de cette exploitation. On comprend pourquoi dès lors, on songeait ces dernières années, et malgré le coup de semonce de la marée noire provoquée par l’Exxon Waldez, à y amplifier l’extraction des ressources pétrolières. En novembre 2005, la Chambre des représentants des Etats-Unis a du renoncer au projet d’exploitation pétrolière dans le territoire protégé de l’Arctic National Wildlife Refuge et cela bien que le président Bill Clinton ait ouvert l’exploitation vers l’ouest de la zone offshore dite National Petroleum Reserve aujourd’hui partiellement exploitée par Exxon, BP et Arco. Depuis lors, 51 % des américains se seraient révélés opposés à tout nouveau forage dans cette zone de l‘Alaska. Une autre catastrophe, plus récente bien que plus lointaine géographiquement, celle du Golfe du Mexique, mais mettant en scène BP, un protagoniste bien connu des forages offshore en Alaska, semble avoir fait reculer toutes velléités d’exploitation de la National Petroleum Reserve. Pour combien de temps ? Nul ne le sait et mieux vaut se garder de tout angélisme dès lors qu’il s’agit du domaine pétrolier ! Ce que l’on sait, c’est que si cette exploitation cesse (ou plutôt quand elle cessera) en Alaska, elle va devoir être remplacée par une autre.
L’estimation concernant le potentiel d’énergies marines en Alaska (en particulier l’énergie des courants) avancée par certains membres du Conseil Mondial de l’Energie tombe donc à point nommé, même si elle ne vaut pas seulement pour cet Etat mais plus généralement pour les Etats de l’ensemble du Grand nord américain et aussi pour le Grand nord Canadien. Il reste donc que l’Alaska avec ses 44 000 miles (plus de 64 000 Km) de régions côtières éligibles à l’exploitation de la seule énergie des courants marins est une zone riche de promesses et ce, même si, sur le terrain, les financements tardent à suivre. On remarquera d’ailleurs que c’est ce moment d’intérêt marqué pour l’Alaska que la société américaine ORPC (cf. article du 31/08/2010) a choisi pour annoncer son intention d’installer une ferme hydrolienne TideGen en Alaska, sans doute en 2012, sur le site de Cook Inlet qui semble être l’objet de toutes les convoitises. Je rappelle au passage que le pétrolier Chevron exploite sur le site de Cook Inlet pas moins de 16 plates-formes pétrolières et gazières offshore. Mais ORPC n’est pas la seule compagnie exploitant les énergies renouvelables à avoir pensé tirer parti de la ressource des courants marins. D’autres sociétés comme Marine Current Turbines (MCT), Lunar Energy et Underwater Electric Kit ont également prospecté des emplacements dans cette région de Cook Inlet qui s’étend sur 180 miles (290 km) du Golfe de l’Alaska à Anchorage et concentre la plupart des 698.000 habitants de cet Etat vaste comme trois fois la France.
La ressource à Cook Inlet est la seconde plus importante au monde juste après celle de la Baie de Fundy (Canada). Le bras de Turnagain Arm’s en particulier fait partie des 60 sites mondiaux à présenter un mascaret. L’alésage peut y atteindre plus de six pieds (1,83m) de hauteur et le courant progresser à 15 miles par heure (24 km/h) au moment des grandes marées de printemps. Turnagain Arm’s est le site où l’on trouve la plus grande amplitude de marées de tout le territoire des États-Unis, avec une moyenne de 30 pieds (9,2 m) et le quatrième plus élevé dans le monde, juste derrière la baie de Fundy (11,7 m), la baie d’Ungava (9.75m) et le canal de Bristol (9,6 m). Sur le site de Turnagain Arm’s, le cycle naturel du courant océanique (de 12 heures 25 minutes) rend le phénomène des marées similaire au ballottement de l’eau dans une baignoire. Bien que moins importante qu’à Turnagain Arm’s l’amplitude des marées sur l’ensemble du site de Cook Inlet atteint régulièrement 25 pieds (7,6 m) avec des courants de plus de 5 noeuds (9,3 km/h) au plus fort de la marée. On comprend mieux pourquoi dès lors ce site de Cook Inlet et son bras de Turnagain Arm’s ont été proposés par le gouvernement américain comme un site potentiellement intéressant pour la production d’énergie des courants. On comprend mieux aussi pourquoi, selon des propos rapportés par notre confrère TidalToday, beaucoup de décideurs aux Etats-Unis propagent l’idée selon laquelle : « L’Alaska est l’Etat de l’énergie des océans ».
Un organisme fédéral, la Commission Denali, planche sur le soutien financier que l’Etat pourra apporter au développement des infrastructures énergétiques marines de l’Alaska et a d’ores et déjà soutenu ORPC dans sa démarche d’implantation locale. Pour Lunar Energy et des dispositifs de Marine Currents Turbines, c’est le site de Cairn Point qui parait le plus approprié selon une étude de faisabilité de l’Electric Power Research Institute datant de 2006. Reste que pour les promoteurs de tous ces projets, il faudra encore passer le stade des tests de l’impact environnemental et des contraintes, qui en Alaska concernent aussi bien les tourbières que les glaces flottant à la surface de la mer, les bélugas, les grandes rivières glaciaires, la pêche au gros, les transports de personnes et de marchandises par mer, le tourisme de croisière et… l’industrie de l’extraction des combustibles fossiles qu’il s’agit de gêner le moins possible, même si elle n’a pas la faveur du public et des politiques en ce moment…

Article : Francis ROUSSEAU

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