France – Mercredi 27/07/2016 – energiesdelamer.eu. Dossier spécial sur la situation des ports français. Alain Vidalies a reçu les quatre rapports de mission sur les enjeux portuaires auxquels la France est confrontée. Ils portent sur le développement des principales portes d’entrée maritimes et la compétitivité des places portuaires de la France autour des axes Seine, Rhône-Saône, Nord et de la façade Atlantique auxquels la rédaction a ajouté le volet « Cour des comptes » et commission de la concurrence de l’UE.

 

 

Commandés par le Premier ministre en janvier 2016, les travaux ont été remis le 18/07/2016 à Alain Vidalies secrétaire d’Etat en charge des transports. Ils portent sur le développement des principales portes d’entrée maritimes et la compétitivité des places portuaires de la France autour des axes Seine, Rhône-Saône, Nord et de la façade Atlantique. Les rapports se veulent sans concession pour « remettre d’aplomb » un secteur chahuté et concurrentiel tant sur le plan inter-régional, qu’européen et mondial.

Un point d’étape est promis d’ici six mois pour donner une suite à leurs préconisations, qui seront débattues à l’automne prochain lors du comité interministériel de la mer. Ce rapport vient aussi en appui à la Loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue présentée par Bruno Le Roux et Arnaud Leroy (Rapporteur), Jean-Paul Chanteguet et de nombreux de leurs collègues comme Jean-Jacques Urvoas à l’époque de son dépôt député du Finistère… (ICI) et le renforcement de la compétitivité des exploitations maritimes et des ports de commerce.


Le contexte

Usine Nouvelle avait publié le 23/03/2015 un article pour signaler que l’essentiel des volumes marchandises (conteneurs ou vrac) passe par l’Europe du Nord:

Rotterdam, Anvers, Hambourg, Bremerhaven. Ces quatre ports confisquent à eux seuls près de 89 % du trafic européen ! Le leader français, Haropa, le port du Grand Paris regroupant Le Havre, Rouen et Paris, ne capte que 6 % du marché. Marseille, malgré sa position géographique stratégique sur la Méditerranée et la route de l’Asie, arrive encore plus loin derrière… La Loi économie bleue et sa préparation aurait-elle réveillé des prises de conscience qui sont régulièrement rappelées ? Dans tous les cas, si le marché portuaire « ne se fait pas de cadeaux », il convient que nos ports français se mettent en ordre de marche… dixit, les parlementaires rapporteurs, la commission concurrence de l’UE, les responsables des GPMF et la Cour des comptes notamment…

« Une nation portuaire qui s’ignore »

Valérie Fourneyron députée et Charles Revet le sénateur tous deux élus de la Seine Maritime, se sont concentrés sur le potentiel de l’axe Seine et du devenir des ports du Havre et de Rouen. La députée explique que la perte de compétitivité et le retard français sont dus au fait que le pays « ne prend pas la pleine mesure de la vitalité économique qui pourrait le caractériser s’il tirait pleinement parti des atouts capitaux que représentent son positionnement géographique, ses infrastructures de transports et son potentiel en matière logistique ». La force de la France, poursuit-elle, « ce n’est pas de posséder 564 ports ou 11 millions de km² de souveraineté maritime, ce n’est pas de disposer du premier littoral européen et parmi les plus belles installations portuaires d’Europe, c’est son potentiel à faire en sorte qu’un jour enfin la mer, le fer, le fleuve, la route, s’appuyant sur les axes de transports majeurs et structurants, participent ensemble de la vitalité de nos territoires, des collectivités qui les structurent, des entreprises de toute nature qui les font vivre et bien sûr des hommes et femmes qui les habitent ». 

 

Potentiels à explorer

Localtis rapporte que le sujet des complémentarités entre ces trois axes de transport majeurs (Nord, Seine, Rhône) et la façade Atlantique, est relevé par la députée qui estime qu’ « elles existent potentiellement mais ne fonctionnent pas en synergie, n’apportant pas à l’ensemble une vraie valeur ajoutée collective ».

Trois recommandations fortes sont dressées : une nécessité de simplification, celle de dresser des perspectives et le besoin de convergence, de coopération. Et de citer également la nécessité de dorénavant privilégier, comme le fait la SNCF pour le fret ferroviaire, l’entretien contre l’investissement, et de sortir les ports de l’impasse que représente la gestion des dragages, les laissant bien souvent « seuls face à des arbitrages stratégiques ». Quant au report modal, n’est-il pas encouragé ? Cela relève davantage « de l’incantatoire que d’une vérité économique », tranche ce rapport. Pour promouvoir un renouveau du dimensionnement industriel des places portuaires, la députée suggère de créer des zones franches « visant à restaurer la dimension économique et industrielle des ports ».

Reconnecter ports et territoires

« Les deux parlementaires ont préconisé de reconnecter partout ports et territoires pour créer des projets communs de développement économique. Ils pointent ainsi l’absence de coordination entre des ports marchands d’une même façade et préconisent une meilleure articulation entre attractivité portuaire et développement économique des territoires ». Bien que le port de Brest ne fasse pas partie du Rapport, la Région Bretagne a lui bien compris l’enjeu, si l’on regarde attentivement sa feuille de route sur les EMR ».

Pour le port du Havre qui est dans le collimateur de la commission de la concurrence de l’UE*, « ils réclament la réalisation rapide d’un accès direct des barges fluviales aux terminaux de Port-2000. Mais aussi la nécessaire montée en charge du terminal multimodal du Havre, dont le lancement a été un fiasco ».

Un autre point est abordé avec le gabarit européen de l’Oise « préalablement à la réalisation du lien à grand gabarit Seine-Nord-Europe ». En créant une structure souple de coordination entre les régions, les agences de développement, la filière logistique et Haropa, l’axe Seine serait aussi davantage en mesure « de capter des investissements étrangers sur les zones portuaires et à proximité ».

Le port de Marseille

La sénatrice du Rhône, Elisabeth Lamure et le député François-Michel Lambert, député des Bouches du Rhône rappellent que le port de Marseille-Fos fait partie des cinquante plus grands ports mondiaux et doit se diversifier du fait du ralentissement des activités liées aux hydrocarbures. Les priorités vont à la relance de la zone industrialo-portuaire de Fos, ce « far-west vide qui génère peu de valeur ajoutée ».

Comme les autres la mission se félicite des dispositions de la loi sur l’économie bleue, particulièrement celles allant dans le sens d’une attractivité portuaire renforcée. Le rapport rappelle aux collectivités que pour aider les ports, libres à elles de supprimer ou de limiter des charges qu’elles font peser sur leurs épaules, par exemple en les exonérant de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Citant un rapport de l’OCDE, les deux parlementaires déplorent que le port soit perçu « localement avec méfiance et ignorance ». D’autant que cette méfiance se retrouve « entre les collectivités et le port, au niveau des élus comme des services ». Sur ce point, le développement des énergies renouvelables de la mer avec l’éolien flottant ne peut-il pas jouer un rôle de rassembleur.

Intéressant de noter que Christian Estrosi président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) qui était invité le 4/07/2016 de Christine Cabau Woehrel, Présidente du directoire du port de Marseille Fos a annoncé qu’il abonderait le budget d’aménagement du Port à hauteur de 26 M€ au contrat de plan État-Région 2015-2020. « Le port de Marseille fait partie de la stratégie économique de la région », a-t-il souligné. C’est la raison qui l’a décidé à ajouter 2,5 M€ aux 23,5 M€ déjà contractualisés en préfecture de région pour financer les travaux d’accès. C’est Renaud Muselier, député européen qui sera chargé de suivre les dossiers dans ce domaine. D’ailleurs dans ce domaine il n’est pas le premier. La région Bretagne fait de même avec le port de Brest et son polder pour les EMR, comme Cherbourg ou le Havre… 

Vers un pilotage régional ?

Gérard César, sénateur de la Gironde et Yannick Vaugrenard sénateur dela  Loire Atlantique ont travaillé sur les grands ports de la façade Atlantique et mettent en évidence, qu’ »à eux deux les ports de Rotterdam ou Anvers représentent quinze fois le trafic des trois ports de la façade Atlantique française réunis ! ».

Cette mission propose d’agir sur un levier en particulier, celui de la gouvernance. « La récente loi sur l’économie bleue a accru le rôle des régions dans la stratégie et l’animation de ces ports (…) mais il est utile d’aller plus loin ». Ainsi elle suggère une représentation plus forte des collectivités territoriales, par l’intégration d’un membre désigné par la région Centre dans la gouvernance (conseil de surveillance) du port de Nantes-Saint-Nazaire. Dans son pilotage, le rôle des collectivités pourrait être renforcé « par la constitution d’un groupe technique de concertation permanent entre l’Etat et celles-ci, sous pilotage du préfet et d’un représentant de la région ».

Concernant les ports de La Rochelle et Bordeaux, la mission propose qu’un projet de décentralisation de la gouvernance soit étudié en lien avec la région Nouvelle-Aquitaine : « Une structure de holding, pilotée au principal par la région, pourrait être mise en place à cet effet. Une telle perspective nécessitera à l’évidence un travail de préparation technique et financier important, et une large concertation entre tous les acteurs ».

Ports du Nord de la France : une opportunité sans précédent

Les sénateurs Jérôme Bignon (Somme) et René Vandierendonck (Nord) ont rencontré près de 200 élus, acteurs institutionnels et économiques, représentants d’entreprises et de salariés pour établir leurs vingt propositions. Ils estiment que la création de la région des Hauts-de-France offre une opportunité sans précédent pour repenser la gouvernance collective de la façade maritime et des ports intérieurs. Ils appellent à la tenue d’une conférence régionale portuaire copilotée par la région et l’Etat. Mais aussi la création d’un GIE des ports des Hauts-de-France, sur le modèle d’Haropa sur l’Axe Seine. Outre une accélération des investissements pour renforcer la compétitivité de ces infrastructures, développer le report modal et y financer les dragages d’accès, ils insistent sur la nécessité de simplification des règles, une simple escale portuaire en France atteignant selon eux un degré de complexité bureaucratique contriarement aux concurrents flamands.

A lire ou à relire : Les derniers rapports de la Cour des comptes sur le Port autonome de Paris, les GPM du Havre et de Bordeaux

Il est intéressant de compléter l’article avec les derniers rapports de la Cour des Comptes de ce secteur.

En effet, la Cour des comptes vient de rendre public un rapport particulier sur la situation du port autonome de Paris (PAP) entre 2009 et 2015, publié le 26/07/2016. Premier port fluvial de France (20,3 Mt de trafic de marchandises en 2014) et son activité, relativement stable, le PAP est réparti sur 70 sites en Île-de-France. Sa situation financière est satisfaisante et le pilotage de sa politique d’investissement a été amélioré. La Cour estime toutefois que sa gouvernance, caractérisée par un conseil d’administration nombreux et des risques de conflits d’intérêts, doit être réformée. En outre, si la création en 2012 d’Haropa (groupement d’intérêt économique des ports du Havre, de Rouen et de Paris) est un succès, la coopération interportuaire sur l’axe Seine doit encore être renforcée. Elle préconise de « coordonner la politique d’investissement des trois ports et de mutualiser son financement ». ICI

Le 30/03/2016, dernier, la Cour des comptes avait rendu public, un rapport sur la gestion du Grand Port maritime du Havre (GPMH) de 2008 à 2013 (avec actualisation 2014 pour la gestion). Malgré un climat social tendu et un contexte économique défavorable, la réforme portuaire a été menée à bien au Havre au prix de dépenses nouvelles de personnel. La Cour estime que le projet stratégique 2009-2013 a été trop ambitieux en matière d’investissement et trop optimiste en ce qui concerne les trafics et qu’il convient que celui pour 2014-2019 évite ces écueils. Par ailleurs, la politique domaniale du GMPH doit être rénovée et sa gestion des ressources humaines est perfectible. Pour redresser un trafic en décroissance, la Cour préconise le développement du fret ferroviaire avec l’appui de l’État. ICI

En ce qui concerne le grand port maritime de Bordeaux (GPMB), la Cour des comptes se disait préoccupé dans un rapport rendu public le 8/03/2016 sur sa gestion, des perspectives économiques du 7e port français, avec un trafic stagnant et des effectifs élevés sur la période 2008-2012 actualisé à 2014. Le port a enregistré un trafic de 8,5 MT en 2015. Dans son rapport datant de décembre 2015, la Cour relève les « handicaps géographiques » du port, éclaté sur sept sites, dans un estuaire de 110 km dont 80 km de chenal nécessitant de coûteuses et permanentes opérations de dragage, et un arrière-pays réduit et peu industrialisé.

Le rapport souligne également que le GPMB a connu une mise en œuvre laborieuse de la réforme portuaire, situation qui perdure dans le cadre de ses relations quotidiennes avec la société Bordeaux Atlantique Terminal. Sur la période examinée, son résultat d’exploitation est presque constamment négatif. Par ailleurs, la Cour avait relevé trois motifs d’inquiétude qui s’ajoutaient aux difficultés permanentes et obscurcissaient l’avenir du port : le remboursement incomplet des opérations de dragage par l’État, le gel du contrat de projet État-Région 2007-2013 et la revalorisation de la convention collective nationale unifiée. ICI

 

Sources : Secrétaire d’Etat aux transports – Localtis – Assemblée Nationale / Sénat – Cour des comptes – Usine Nouvelle – Journal de la marine marchande – energiesdelamer.eu.

 

Points de repère

18/07/2016 –Bruxelles a franchi une deuxième étape dans les divergences de vues qui l’oppose aux autorités nationales française et belge quant à l’assujetissement des autorités portuaires à l’impôt sur les sociétés. En France, 11 GPM français sont concernés ainsi que le PAP et les ports exploités par les CCI ICI.

13/07/2016 – La région Hauts-de-France a approuvé le protocole de financement et de gouvernance pour la réalisation du projet de canal Seine-Nord Europe ICI.

21/06/2016 Loi Economie Bleue ICI

Illustration : Carte extraite du projet de Loi de Finances loi de finances pour 2016, TOME V ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES : transports maritimes. Avant propos : Une simple reconduction des crédits qui traduit le manque d’ambition de la stratégie maritime de la France par Charles Revet sénateur de la Seine Maritime ICI mer (ICI)


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