France – Monaco. Vendredi 1/07/2016 – Quotidienne energiesdelamer.eu. partie 1/2

Interview exclusive de Daniel Averbuch Responsable du programme « Eolien Offshore et énergies marines » d’IFPEN et Ambroise Wattez Business Development Manager Renouvelables de SBM Offshore.

Crédit illustration : Remerciements à SBM Offshore

EDM – La diversification de l’économie post-pétrole est un enjeu important pour les deux groupes.  Comment se traduit votre implication notamment en terme  la R&D dans ce nouveaux domaines, et notamment sur le flotteur ?

IFPEN : L’élargissement des activités d’IFPEN au-delà de son périmètre historique est maintenant ancien, et s’est d’ailleurs traduit en 2010 par le changement de dénomination de l’organisme. IFPEN consacre en effet la moitié de son budget de recherche et d’innovation aux nouvelles technologies de l’énergie, comprenant l’éolien. IFPEN poursuit cette dynamique qui se traduit par un renforcement des moyens et dispose ainsi d’une équipe de près de vingt chercheurs dédiée à ses programmes dans l’éolien. Le développement du flotteur avec SBM est de plus le programme le plus important actuellement.

SBM : Les énergies renouvelables en mer sont une diversification très naturelle pour SBM Offshore qui met simplement à profit son savoir-faire des systèmes en mer pour l’exploitation des nouvelles énergies. SBM Offshore a identifié très tôt sa valeur ajoutée dans ce secteur et développe depuis plus de dix ans des solutions de génération d’énergie renouvelable en mer, avec notamment une technologie de système houlomoteur ainsi que la solution de flotteur développée avec IFPEN. L’éolien flottant est en effet un domaine dans lequel les compétences, l’expérience de SBM  et sa position de leader des systèmes flottants et des ancrages peuvent faire la différence.

EDM – Comment s’est passée la rencontre avec SBM ?

IFPEN avait d’ores et déjà lancé des travaux sur l’éolien flottant. La collaboration initiée avec SBM Offshore en 2014 a permis de parvenir à une solution développée conjointement par les deux partenaires. Ce résultat provient de la complémentarité des compétences et expertises des deux entreprises; SBM apporte sa capacité à concevoir des flotteurs innovants accompagnée de son savoir-faire industriel dans les supports flottants et les systèmes d’ancrage, IFPEN met à profit son expérience dans l’éolien offshore et sa maitrise des outils de simulation pour l’éolien flottant.

La solution de flotteur ayant atteint un stade avancé de développement, SBM Offshore et IFPEN la proposent aux différents développeurs de projet dans le cadre de projets de fermes pilotes, notamment en France.

Parmi ceux-ci figure Quadran qui a proposé la candidature d’EolMed à l’appel à Projet de l’ADEME pour la réalisation de fermes pilotes éoliennes flottantes sur les zones de Gruissan et Leucate. Au travers de la structure EolMed SAS, Quadran conduit ainsi deux consortiums cf.  – 14/04/2016 ICI. Celui de la zone de Leucate/Barcarès* bénéficie de la solution de flotteur particulièrement innovante conçue en collaboration par SBM Offshore et IFP Energies Nouvelles sur lequel reposera la turbine Senvion 6.2M152.

EDM : Peut-on signifier que le flotteur développé par SBM et IFPEN s’apparente à un type de structure Jacket et se trouve ainsi très allégé ?

La structure comporte en effet – là où c’est utile – des composants semblables à des jackets, ce qui permet de proposer une structure très légère. De plus la structure est extrêmement modulaire puisqu’elle est composée de caissons de flottaison et de bracons. Ceci facilite grandement son assemblage ; tous les éléments sont légers et facilement manipulables par n’importe quel chantier de construction, sans avoir recours à des moyens de manutention spécifiques. Le poids et la modularité sont par ailleurs des points clés dans une logique d’industrialisation du flotteur.

EDM : Peut-on classer le flotteur dans la catégorie des plateformes à lignes tendues (TLP) ?

Les lignes d’ancrage sont tendues, oui.

Mais le comportement du flotteur ainsi que sa méthode d’installation en font une solution bien plus avantageuse que les TLP conventionnelles.

Les tensions dans les lignes et le besoin associé de résistance pour les ancres sont notamment largement réduits.

EDM : Quelles sont les caractéristiques des quatre flotteurs d’acier, de la chaîne d’ancrage et des “jambes” ? Quel est l’impact sur la réduction des efforts en pied de mât ?

Les quatre caissons sont en acier et créent la flottaison nécessaire à la mise en tension des lignes d’ancrage, mais aussi permettent la stabilité de la structure avec l’éolienne intégrée pendant les phases de remorquage.

Le système d’ancrage a été développé spécifiquement pour répondre aux contraintes d’une éolienne de forte puissance (forte poussée à haute altitude). Ainsi, contrairement à une TLP conventionnelle, les lignes d’ancrage ne sont pas verticales, mais inclinées vers la nacelle de l’éolienne. Ceci a deux effets : une réduction extrême des mouvements au niveau de la nacelle et des efforts en pied de mat à un niveau même inférieur à celui des turbines posées, ainsi qu’une réduction drastique des tensions dans les lignes d’ancrage.

EDM : Quels sont les performances et les avantages de ce type de flotteur ?

Comme expliqué précédemment le flotteur possède des niveaux de mouvement  bien inférieurs à ceux des solutions concurrentes. Ceci présente des avantages tant au niveau de la turbine elle-même qui bouge peu, que du mat qui est moins sollicité.

De plus le flotteur est extrêmement léger, ce qui a une conséquence directe sur son cout : une structure plus légère est simplement moins chère. La modularité de la solution ainsi que son très faible tirant d’eau pendant la mise à l’eau lui permettent aussi d’être compatible avec les infrastructures existantes : le flotteur peut être assemblé sur un quai puis mis à l’eau par des moyens conventionnels (barge, cale, grue) et ne nécessite pas la mobilisation d’une forme de radoub, ou autre infrastructure particulière. La démobilisation et le recyclage après 20 ou 25 ans de service bénéficient également de la légèreté et de la modularité du flotteur.

De plus, contrairement à une TLP conventionnelle, le flotteur est intrinsèquement stable à la mise à l’eau, pendant l’intégration de la turbine bord à quai, et pendant le remorquage ainsi que pendant toute la phase d’installation, sans nécessiter d’aide extérieure ni de navire spécialisé. Ceci implique que le flotteur s’installe avec des moyens légers et tout à fait classiques.

En opération, le flotteur a une empreinte au sol minimale en raison de l’absence de chaine caténaire sur le sol, ce qui présente un intérêt environnemental évident.

EDM : IFP Energies nouvelles (IFPEN) en partenariat avec PRINCIPIA (filiale de DCNS), PME spécialisée dans l’ingénierie et le développement logiciel, a lancé il y a cinq ans environ le développement de DeepLines Wind™, logiciel d’analyse par méthode des éléments finis (MEF). Est-ce que les résultats des recherches menées dans le cadre de vos projets ont permis d’obtenir une meilleure caractérisation de l’aérodynamique des éoliennes?

Les travaux autour de DeepLines Wind™ se sont poursuivis après le lancement de la première version commerciale en 2015, avec notamment l’introduction de nouvelles capacités avancées de simulation aérodynamiques. IFPEN travaille notamment au sein des projets MexNext et OC5, menés par l’IEA-Wind, qui visent à comparer au niveau international ces modèles avec l’état de l’art. Ces fonctionnalités sont maintenant disponibles dans la version qu’utilise IFPEN pour ses travaux avec SBM.

EDM : Quel est aujourd’hui le retour d’expérience avec le logiciel de simulation DeepLines Wind™ ?

Le logiciel est maintenant commercialisé avec des clients sur toute la chaîne de valeur de l’éolien flottant. A titre de référence, il a notamment été utilisé pour mener des simulations sur la ferme pilote d’Hywind en Ecosse.

EDM : La R&D EMR de SBM est-elle plus spécifiquement basée à Carros en France, où est-elle répartie dans plusieurs pays ?

Notre entreprise a une présence globale et notre force repose sur l’expertise du groupe à travers le monde. Néanmoins chaque centre régional a ses spécialités. C’est le cas des énergies renouvelables qui sont développées en Europe, depuis plus de dix ans, dans nos bureaux d’études à Monaco ainsi que dans notre centre d’essais et de R&D à Carros dans les Alpes Maritimes.

Points de repère

30/06/2016 : Le Groupe QUADRAN, propriétaire exploitant de centrales de production d’énergies renouvelables a inauguré hier la première centrale éolienne avec stockage à l’échelle nationale, sur le site de Petite-Place, commune de Capesterre-de-Marie-Galante dans le département de la Guadeloupe.

QUADRAN y a installé le premier parc éolien de Marie-Galante, en 1997. Après son démantèlement, il a été remplacé par la centrale éolienne avec stockage de Petite-Place, d’une puissance de 2,5 MW. Mis en service en septembre 2015, c’est la première centrale de ce type raccordée au réseau électrique. Elle délivre depuis son électricité sur le réseau EDF. La centrale de Petite-Place se compose de 9 éoliennes de 275 kW Vergnet, couplées à une capacité de stockage de l’électricité de 460 kWh par batteries Lithium-Ion de Saft. La consommation annuelle de 600 tonnes de fuel lourd est ainsi évitée.

EolMed, « l’éolien flottant en Languedoc », est la société qui porte le développement des projets éoliens flottants en Méditerranée de Quadran dont elle est filiale à 100%. EolMed a vocation, in fine, à être la société d’exploitation, propriétaire de la centrale éolienne flottante à sa mise en service. Basée à Port-La-Nouvelle, EolMed est l’interlocutrice des acteurs locaux, des usagers de la mer, des pêcheurs et des citoyens.



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