CASSIS – (France – U.E) – 20/11/2009 – 3B Conseils – Le groupe Géocéan (filiale de Vinci, premier groupe mondial intégré de concession-construction) basé à Cassis (Bouche du Rhône) réalise des projets industriels en milieu marin depuis 25 ans. Fort de son expertise en pose de conduites sous-marines, ouvrages côtiers, travaux sous-marins spéciaux reconnus internationalement, le groupe a prévu d’implanter des hydroliennes pour les tester au large de Cherbourg dans le courant du Raz Blanchard. Bref rappel : le Raz Blanchard désigne l’un des courants de marée les plus puissants d’Europe, situé entre la pointe ouest du cap de la Hague et Aurigny, à l’entrée du passage de la Déroute. Sa vitesse peut atteindre jusqu’à 12 nœuds (22,22km/h) lors des grandes marées d’équinoxe. Ce projet fait partie des 19 projets d’énergies marines récemment sélectionnés par l’ADEME (dont la liste officielle complète n’est toujours pas disponible à ce jour) pour aider la France à atteindre en 2020 l’objectif de 23% d’énergies renouvelables fixé par la Communauté Européenne. La participation de la technologie hydrolienne à cet effort pourrait se monter en France à 500 MW, soit 500 machines de 1MW. Les deux hydroliennes expérimentales que le groupe Géocéan va installer produiront, une fois en place côte à côte dans le Raz Blanchard, l’équivalent de la consommation annuelle de 1500 foyers (hors chauffage). L’emprise au fond marin de ces deux machines est de 30m x 60m soit le tiers d’un terrain de football.
Pour mener à bien cette installation, Géocéan a tenu à associer au projet, dès mars 2009, les populations concernées et les usagers de la mer en allant présenter au Comité Régional des Pêches ses idées de développement pour les énergies marines. Le groupe n’a pas hésité à abandonner pour cause de conflit d’usage certaines des zones de développement hydrolien envisagées au départ. Géocéan a dès lors étroitement associé les pêcheurs à sa démarche en demandant au Comité des pêches de l’aider à trouver un bateau pour sa campagne océanographique. La suggestion du Comité de mobiliser «l’Albatros», bateau basé à Omonville-La-Rogue a été retenu. Les retours au port furent alors une occasion unique d’échanges entre les pêcheurs présents au port et les développeurs du futur projet. Le 1er juillet 2009, une réunion d’information était organisée qui présentait clairement le projet devant les principaux intéressés mais également relevait certains points sur lesquels il fallait porter une attention particulière : la planification de ce type de développement, l’ensouillage du câble et son atterrage, l’impact sur la faune. A l’issue de cette réunion, Géocéan avoue avoir appris à mieux connaître cette zone si particulière par ceux qui la pratiquent au quotidien : les endroits où les turbulences sont les plus fortes, les durées autour de l’étal pendant lesquelles nos travaux peuvent s’effectuer. Géocéan tient à conserver cet esprit d’échange pendant tout le déroulement du projet et n’hésite pas à multiplier les rencontres avec les acteurs industriels et universitaires locaux dont le groupe souhaite mobiliser les énergies. Ainsi je crois savoir que la semaine prochaine Géocéan rencontre les membres du laboratoire M2C Morphodynamique Continentale et Côtière de l’Université de Caen déjà associé à ce projet.
Concernant le type de technologie choisie par Géocéan, les hydroliennes, il faut y voir un effet de la vision particulière qu’a cette société du développement des énergies renouvelables en mer. Pour Géocéan en effet, les installations en mer ne doivent pas être visibles depuis le littoral et si elles sont proches des côtes, elles doivent être sous-marines et sans obstacles à la navigation. Dans le cas du Raz Blanchard la préoccupation majeure de Géocéan a été de faire appel à une technologie simple et robuste, dont l’entretien soit efficace et programmé, une technologie qui ait un impact minime sur l’environnement surtout dans le cadre d’un suivi sur le long terme. Géocéan ne craint pas de déclarer que certaines technologies hydroliennes qui ont atteint le stade du prototype ou de première série industrielle correspondent exactement à la conception que le groupe se fait du développement des ERM alors que d’autres énergies marines plus avancées, comme l’éolien offshore par exemple, ne répondent pas entièrement à cette conception… en tout cas, tant qu’elles sont visibles du littoral. L’énergie des vagues quant à elle et ses diverses technologies de récupérateurs a un développement moins avancé aux yeux de Géocéan que l’énergie des courants. Je rappelle qu’il ne faudrait pas oublier toutefois que certains récupérateurs de vagues britanniques ou australiens (CETO, BIOWAVE pour ne nommer que ces deux là) sont aussi avancés en développement que les hydroliennes ; ils ont cependant le défaut d’être plus encombrants en mer et visibles en surface, ce qui ne correspond pas à l’éthique de Géocéan pour l’implantation des ERM en mer. Se pose aussi un question (plus incontournable) de puissance : celle délivrée par une hydrolienne est proportionnelle au cube de la vitesse du courant et les sites à fort courant (comme le Raz Blanchard) sont donc à privilégier pour maximiser la production. Le Raz Blanchard représenterait un gisement de 3000 MW, environ la moitié du potentiel en France et 5% du potentiel européen, même si toute l’énergie qu’il délivre ne peut être récupérée à cause des pertes inévitables lors de la récupération et transformation et du nombre limité de machines possibles à installer (plusieurs centaines s’avéreraient nécessaires pour capturer le maximum de la puissance disponible). De plus, les infrastructures actuelles du réseau électrique de la presqu’île du Cotentin permettent plusieurs possibilités de raccordement sur le littoral pour des développements de l’ordre de la dizaine de mégawatts. Le caractère prévisible de la production de l’énergie hydrolienne est un atout pour la stabilité du réseau électrique.
Une campagne océanographique pour l’acquisition des données de bathymétrie, de géophysique et de mesure de courant a donc débuté fin Juin 2009. La zone de reconnaissance se situait à 3 kilomètres environ à l’ouest de la pointe de la Hague. Les équipes de NYMPHEA ENVIRONNEMENT, filiale de Géocéan, ont recueilli des données permettant de confirmer la faisabilité technique du projet. Après confirmation de la faisabilité, la première phase de ce projet aura un caractère expérimental : deux hydroliennes de 1 MW vont donc être installées côte à côte et connectées au réseau à terre, ce qui représente un investissement total de €35 millions. Elles sont appelées à fonctionner pendant deux ans. Cette phase permettra de contrôler l’impact sur l’environnement en général et sur la faune en particulier, de tester la fiabilité des machines, d’évaluer la stratégie de maintenance (les temps d’intervention doivent être courts dans cette zone hostile). En connectant deux machines, la fiabilité de la jonction sous-marine, la synchronisation avec le réseau à terre seront également évaluées. Une fois cette phase de mise au point terminée, le site pourra être étendu à 12 machines maximum, puis à plus long terme et en améliorant la technologie, le site pourra recevoir plusieurs dizaines de machines.
Parmi toutes les technologies hydroliennes disponibles sur le marché de l’expérimentation en mer aujourd’hui, c’est la technologie britannique développée par ROTECH que Géocéan a choisie. Il s’agit d’une turbine biaxiale à axe horizontal logée dans une tuyère Venturi et posée sur le fond marin qui a la particularité d’être facilement démontable pour entretien. Les sociétés Lunar Energy et e. on s’en sont fait depuis quelques années les ardents défenseurs en décidant d’installer au large du Pays de Galles huit des ces turbines et en mettant en place un projet de mega-parc hydrolien en Corée qui devrait fournir suffisamment d’énergie pour alimenter 200.000 foyers en 2015. (cf. notre article du 16 juin 2009 ICI)
On ne peut que se féliciter du choix de cette hydrolienne, effectivement très ingénieuse dans sa simplicité et dans sa prise en considération des problèmes de maintenance en mer. Elle est sans doute une de celles qui sont appelées à se développer le plus rapidement dans le futur, car autant le savoir, du foisonnement actuel de technologies n’émergeront que peu d’élues.

Article Francis ROUSSEAU

Docs : Sites liés. Géocéan. Images 1: Carte Raz Blanchard modèle numérique 9 noeuds © Géocéan. 2, 3, 4 : Turbine Hydrolienne Rotech © Rotech Engineering


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