UK – Lundi 04/11/2019 – energiesdelamer.eu. A deux mois et quelques jours des élections anticipées prévues pour le 12 décembre pour cause de Brexit, le gouvernement britannique a annoncé samedi suspendre la fracturation hydraulique destinée à extraire du sous-sol du gaz de schiste en raison des risques de secousses sismiques, faisant marche arrière sur ce sujet impopulaire, au tout début de la campagne des législatives.

La dépêche AFP, mentionne que « le Royaume-Uni voulait à l’origine suivre l’exemple des Etats-Unis, où l’industrie du schiste a connu un boom spectaculaire renforçant l’indépendance énergétique du pays, grâce à la technique de la fracturation hydraulique. Mais ce procédé est critiqué, y compris aux Etats-Unis, en raison de son impact environnemental, et a été interdit en France et en Allemagne ».

Le gouvernement est revenu sur sa position à la suite d’un rapport du régulateur du secteur, The Oil and Gas Authority (OGA), ayant étudié l’activité sismique survenue près d’un site où est pratiquée la fracturation hydraulique, à Preston New Road, dans le Lancashire (nord-ouest de l’Angleterre).

En août dernier, une vive secousse y a été ressentie, ce qui a conduit la société Cuadrilla à suspendre son forage sans annoncer de nouvelle date.

« Après avoir examiné le rapport de l’OGA (…), il est clair que nous ne pouvons pas exclure de nouvelles conséquences inacceptables pour la population locale », a déclaré dans un communiqué, Andrea Leadsom la ministre chargée des Entreprises et de l’Energie. « Pour cette raison, j’ai conclu que nous devrions instaurer un moratoire sur la fracturation hydraulique en Angleterre avec effet immédiat », a-t-elle annoncé.

Le gouvernement a expliqué qu’il ne donnerait pas son consentement à de nouveaux projets de fracturation hydraulique « à moins que de nouvelles preuves convaincantes ne soient fournies ».

Le procédé de fracturation hydraulique consiste à créer des fissures souterraines et y infiltrer un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques pour permettre l’extraction de gaz ou de pétrole capturé dans la roche.

Le développement de cette technique avait provoqué une forte mobilisation de la part des populations concernées et des militants écologistes, qui ont accueilli avec soulagement cette annonce.

Les partis d’opposition l’ont en revanche jugée insuffisante, et prônent une interdiction définitive.

En ce début de campagne électorale où l’environnement sera l’un des sujets de débats, le chef du Labour, Jeremy Corbyn, a qualifié le moratoire de « manoeuvre électorale pour tenter de gagner quelques voix ». S’il arrivait au pouvoir, il a promis sur Twitter un « vrai changement », avec l’interdiction définitive de cette technique.

Pourquoi le gouvernement n’a pas opté pour une interdiction? « Parce que ça reste une énorme opportunité pour le Royaume-Uni » a répondu Andrea Leadsom au micro de la BBC samedi.

Le Royaume-Uni avait soutenu la fracturation hydraulique dans l’espoir de réduire sa dépendance envers le gaz, importé essentiellement de Norvège et du Qatar.

Le gouvernement conservateur avait escompté en 2016 l’ouverture de 20 puits d’ici à mi-2020.

Or, à ce jour, seuls trois ont été forés, sans qu’aucune exploitation de gaz de schiste ait débuté et sans que les pouvoirs publics sachent quelles quantités pourraient être extraites à terme, a souligné dans un rapport récemment le National Audit Office (NAO), organe chargé de contrôler les dépenses publiques.

Le site de Preston New Road est le seul projet de fracturation hydraulique en cours au Royaume-Uni.

Les autres nations du Royaume-Uni – l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord – sont opposés au déploiement de cette technique.

Rebecca Newsom, cheffe de programme au sein de Greenpeace, a estimé dans un communiqué que « le grand pari du gouvernement sur la fracturation hydraulique est un fiasco ».

Le directeur exécutif de l’ONG environnementale Les Amis de la Terre, Craig Bennett, a qualifié le moratoire de « victoire immense pour les populations et pour l’environnement ».

« Pendant près d’une décennie, les populations locales partout dans le pays ont mené un combat de David contre Goliath contre cette industrie puissante », a-t-il souligné, espérant maintenant qu’une loi rendra l’interdiction de la fracturation hydraulique permanente.

© 2019 AFP

 

 

Points de repère

 

Total avait été la première « major » pétrolière à entrer sur le marché du gaz de schiste au Royaume-Uni avec l’acquisition d’un intérêt de 40% dans deux permis d’exploration pour un maximum de 48 millions de dollars.

L’agence REUTERS avait présentée cette opération, dans une dépêche datée du 13/01/2014 « Total suit des investissements similaires du britannique Centrica et du français GDF Suez, et marque une accélération du développement du gaz de schiste au Royaume-Uni, l’un des marchés européens les plus prometteurs pour le secteur des hydrocarbures non conventionnels. Alors que l’exploitation du gaz de schiste est interdite en France, Total a de son côté déjà acquis des intérêts dans des projets de ce type aux Etats-Unis, en Argentine, en Chine, en Australie, en Pologne et au Danemark ».

 

Situées dans le bassin du Gainsborough Trough, dans la région des East Midlands, les licences concernées par l’investissement de Total au Royaume-Uni couvrent une superficie de 240 Km2. Ses partenaires dans le projet sont GP Energy Limited (filiale de Dart Energy Europe) (17,5%), Egdon Resources UK (14,5%), Island Gas (14,5%) et eCorp Oil & Gas UK (13,5%).

La phase initiale d’exploration était assurée par IGas, Total devenant ensuite opérateur du projet pour la phase d’appréciation et de développement.  L’agence Reuters avait été informée par des sources proches du dossier. Ces annonces avaient fait bondir le cours de Bourse des partenaires de Total, avec des hausses de 40% pour Egdon Resources, 13% pour IGas et Dart Energy à Londres en début d’après-midi, pendant que Total cède 0,6% à Paris.

Total avait précisé à l’époque qu’il investirait environ deux milliards de dollars par an au Royaume-Uni et que sa filiale Total E&P* UK deviendrait le plus important producteur d’hydrocarbures du pays en 2015.

 

L’Observatoire des multinationales avait publié quatre ans plus tard que la France avait commencé à importer du gaz naturel liquéfié américain – en grande partie du gaz de schiste – à partir de l’automne 2018 (Le gaz de schiste américain arrive discrètement en France), informaiton reprise dans un article du 5 avril 2019 avec des précisions :

Total a notamment investi dans des nouvelles unités pétrochimiques au Texas. La major française possédait déjà des actifs dans l’exploitation du gaz de schiste dans l’Ohio et au Texas. En rachetant les activités GNL d’Engie, il a acquis des parts dans le terminal d’exportation Cameron LNG, sur les côtes de Lousiane. Enfin, Total a misé sur l’entreprise Tellurian spécialisée sur ce créneau de l’exportation du gaz de schiste américain, dont elle détiendrait aujourd’hui environ 25% du capital et qui présidée par Charif Souki, l’ancien banquier d’affaires (Les Echos 09/10/2019).

 

Total E&P – Total Exploration et Porduction*

Sources : Observatoire des multinationales – Les Echos

 


Publicités Google :