BOSTON – (Mass.- Etats-Unis) – 08/01/2010- – C’est un nouveau coup de théâtre et une affaire compliquée, mais en même temps exemplaire, que cette affaire de l’implantation du projet Cape Wind, le premier parc éolien offshore américain, sur un site touristique très convoité (Nantucket Sound près de cape Code) qui se révèle être aussi le site sacré de deux tribus indiennes du peuple Wampanoag. D’après le journal The Boston Globe (ICI) qui suit l’affaire semaine après semaine, il a en effet suffit que l’administration Obama souhaite résoudre le plus vite possible ce conflit, qui a commencé depuis plusieurs années maintenant, autour de la construction du premier parc éolien offshore américain, pour que tout s’accélère soudainement. Au point qu’hier le ministre de l’Intérieur des États-Unis, Ken Salazar a annoncé la convocation pour la semaine prochaine de toutes les parties intéressées pour une réunion d’urgence. Mais que  s’est-il donc passé ?  Quel épisode a-t-on manqué ? 
Pour ma part, dans cet interminable feuilleton, j’en étais resté au moment précis où le projet repartait (cf. article du 10/12/2009) après que deux tribus indiennes du peuple Wampanoag aient demandé – sans trop espérer l’obtenir – le classement en zone historique du site de Nantucket Sound (cf. article du 05/11/09). The Boston Globe a donc révélé que, contre toute attente, le National Park Service a donné raison aux deux tribus amérindiennes et rendu éligible au Registre National des lieux historiques (National Register of Historic Places), le site de Nantucket Sound  en « raison de l’importance culturelle et spirituelle qu’il a pour les dites tribus ».  Cette décision coup de théâtre est bien entendu confirmée et téléchargeable sur le site même du National Register of Historic Places (ICI). Bien que cette décision semble en avoir pris plus d’un par surprise, à commencer par le ministre de l’intérieur lui-même (et sans doute aussi le Président Obama), il convient d’y regarder de plus près. Je rappelle que l’inscription au registre, qui accorde une protection supplémentaire « contre toute forme de développement industriel », est habituellement réservée à des structures plus petites ou à des sites très spécifiques. A vrai dire ce classement crée un précédent non pas tant parce qu’il classe comme monument historique un lieu cultuel indien mais surtout parce que c’est la première fois qu’un tel classement a lieu en mer ou sur le territoire maritime.

Dans le cas précis, il se trouve  que le National Park Service, qui ne statue jamais sur des sites maritimes, a considéré que le site marin de Nantucket Sound faisait exception en ce qu’il avait été, avant la dernière glaciation, (c’est à  dire à la louche il y a entre 120.000 et 10.000 ans !), une terre ferme sur laquelle il ne fait pas de doutes que les ancêtres du peuple Wampanoag s’étaient  établis (des vestiges sous-marins l’ont confirmé) et ont pratiqué leur culte au soleil.  Oui je sais, il y a quelque chose de comique à considérer qu’un événement, fut-il sacré, qui s’est produit avant la dernière glaciation puisse avoir une incidence sur l’implantation d’un parc éolien aujourd’hui !  Mais aux Etats -Unis on ne plaisante pas du tout avec ces choses-là… officiellement en tout cas, car de nombreuses voix s’élèvent pour faire remarquer que d’autres tribus indiennes sont moins scrupuleuses quand elle bâtissent des casinos ou des parcs d’attractions sur certains de leurs sites  historiques les plus prestigieux (la passerelle Grand Canyon Skywalk exploitée par la tribu Hualapai pour ne pas le citer). La question qui importe maintenant est de savoir si le fait de reconnaître le site de Nantucket Sound comme un monument historique américain, remet en cause le projet Cape Wind lui-même ? Même si cela est un peu compliqué à comprendre, la réponse n’est pas forcément celle que l’on suppose.  Dans la déclaration écrite qui fait suite à l’annonce de classement du National Park Service, le ministre  Salazar (qui soit dit en passant a sous sa responsabilité directe le National Park Service qui dépend du Service des Parcs  Nationaux géré par le  Département à l’intérieur)  a souhaité  que « les protagonistes soient réunis dès la semaine prochaine, à Washington, précisément pour qu’ un accord de « bon sens » soit trouvé avant le 1er Mars 2010. » Lorsque l’on sait que le ministre a déjà prévenu que, si un accord n’était pas trouvé à l’issue de cette entrevue, il était « prêt à prendre de toute façon toutes les mesures nécessaires pour la poursuite du projet « , on aura compris que l’autorité fédérale ne fera aucune concession sur le principe de la construction de ce premier parc éolien en mer. Cette intervention de dernière minute du ministre Salazar montre une fois de plus l’intérêt marqué de la Maison Blanche pour ce premier parc éolien en mer, voire même selon certains, la volonté farouche de Barack Obama de ne pas céder sur ce plan après son « échec » à faire admettre au Congrès des taux de réduction significatifs de gaz à effet de serre  avant le dernier sommet raté de Copenhague.  Le Président et le ministre ne sont pas seuls dans ce combat et de nombreuses associations, ONG et lobbies les soutiennent, conscients qu’un nouveau sentiment d’urgence face au changement climatique s’est levé dans le sillage de Copenhague et que la nécessité d’une action concrète sur le terrain, et en mer notamment, est impérative.

L’enjeu est maintenant ailleurs :  faire entendre aux diverses parties en présence qu’un classement en site national historique ne peut plus et ne doit plus être incompatible avec la lutte  contre le réchauffement climatique.  Le respect des valeurs sacrées qui s’attachent à un site  religieux antique doit pouvoir s’accommoder aujourd’hui de l’implantation des énergies renouvelables de la même façon que de nombreux sites archéologiques à travers le monde ont su s’accomoder de la nécessité de l’implantation d’infrastructures destinées au développement industriel des peuples modernes (construction d’autoroutes par exemple ou de certaines infrastructures portuaires).  Cette prise de position, somme toute déjà adoptée ailleurs, devrait permettre à l’administration Obama d’empêcher que les autres projets d’implantations d’énergies renouvelables en cours de développement ne soient ralentis par des classements historiques intempestifs. Ceci, ajouté au fait que beaucoup de tribus indiennes n’ont pas vraiment montré l’exemple jusque-là en implantant des parcs d’attractions sur leurs sites culturels, devrait permettre à l’administration en place de voir enfin aboutir son premier projet de parc éolien en mer avant la fin de la législature. Au bout du compte il s’agit maintenant d’une affaire de compensation financière vis-à-vis des deux tribus indiennes.  L’ironie de l’histoire, dans ce cas précis, voulant que cette bataille ait lieu autour d’un projet situé sur un lieu façonné précisément au moment du dernier grand changement climatique de la planète !

Article : Francis ROUSSEAU

Docs : sites liés. 1. Cartes Nantucket Sound. 2. Carte de la derniere Glaciation. 3. Installation d’éolienne offhsore test dans le cadre du  projet Cape Wind 

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