PARIS / BERLIN – 04/11/2008 – Blog Les énergies de la mer – 3B Conseils – Un intéressant article paru dans le Journal de l’Environnement reprenant et développant bon nombre des propos tenus ici et là pendant la SeaTech Week et repris dans les derniers entretiens Science et Ethique qui se sont tenus à Brest en octobre, donne matière à réflexion. L’article met en parallèle la situation de l’éolien en mer français et celle de l’éolien en mer allemand et se pose la question des ingrédients nécessaires au développement de ce type de technologie offshore. Trois ingrédients sont mis en exergue : la mise en place d’un cadre réglementaire, la résolution des conflits d’usage, la question du raccordement au réseau et des tarifs d’achats de l’électricité produite en mer par les fournisseurs locaux. Pour le reste le constat ne varie guère : alors que l’Allemagne aurait déjà identifié et mis en équations ces ingrédients, il n’en va pas de même en France, encore et toujours montrée du doigt pour son  » retard « . Selon l’article, tout resterait encore à faire en France, de la planification des zones d’aménagement au renforcement du réseau en passant, bien entendu, par la résolution des conflits d’usage.
Concernant le premier ingrédient de la recette miracle, une récente conférence organisée par le Bureau de coordination franco-allemand énergie éolienne a constaté que si l’Allemagne avait presque achevé la mise en place du cadre réglementaire et juridique nécessaire au développement de l’éolien offshore, il n’en était pas tout à fait de même du côté français. Un seul projet de parc éolien en mer a obtenu un permis de construire en France, en septembre dernier, à Veulettes-sur-mer (Seine maritime) (cf. notre article du 01/02/ 2008). D’une puissance de 105 MW, il sera réalisé par le groupe allemand Enertrag. Un autre projet prévoyant l’implantation de 120 éoliennes par le groupe WPD à 25Km au large de la Vendée (Noirmoutiers) a reçu un accueil favorable du préfet maritime mais pas encore de permis de construire (cf. nos archives). Il faut dire en effet, qu’à ce rythme là, on voit mal, comment la France tiendra son engagement d’atteindre les 6.000 MW éoliens en mer prévus pour 2020 dans les accords. Alors que l’Allemagne a défini des zones d’aménagement pour l’éolien offshore dans sa zone économique exclusive (ZEE), la France n’a même pas encore commencé ! Une planification stratégique dans ce domaine est  » prévue d’ici un an, si tout va bien « , selon Christophe Le Visage, chargé de mission au Secrétariat général de la mer. Il faut savoir en effet que les zones de développement de l’éolien (ZDE), outil qui concerne le développement de l’éolien à terre, ne peut être appliqué au milieu marin auquel il est inadapté. Selon Thierry Chrupek, chargé de mission Energies renouvelables électriques au MEEDDAT, les installations prévues en mer ne devraient pas être soumises à la réglementation des « Installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE) applicables à l’éolien terrestre. Pour l’instant, le seul outil existant semble être le protocole recommandé par l’IFREMER  » pour la réalisation des études d’impact et de surveillance des projets de sites d’implantation d’énergie renouvelable en mer  » dont on trouvera le détail ICI. Certains observateurs ne manquent pas de stigmatiser la culpabilité que l’on veut faire porter au gouvernement français avec ce sempiternel argument du retard en matière d’éolien en mer. Ce « retard », le gouvernement, de son côté, veut le percevoir plutôt comme un temps nécessaire à la réflexion avant un engagement décisif dans un industrie où tout reste à définir et… dont le coût est élevé. Mais quel coût, dans quel domaine énergétique n’est pas élevé ? Y compris dans le nucléaire d’ailleurs dont le coût global véritable ne pourra réellement être calculé qu’au moment du démantèlement de toutes les centrales et du traitement des déchets radioactifs et des matériaux contaminés. Pour information, dans le domaine de l’éolien en mer : au Royaume-Uni, n° 1 dans ce domaine comme nul ne l’ignore plus, le coût du démantèlement des turbines en mer à la fin de leur durée de vie, serait déjà quantifié dans les projets initiaux….
Le second ingrédient nécessaire au développement de l’éolien offshore : la résolution des conflits d’usage. L’Agence fédérale allemande pour la navigation maritime et l’hydrographie (BSH,) responsable des procédures d’autorisation des parcs éoliens offshore en Allemagne indique que  » depuis juillet 2008, une entreprise reçoit une autorisation pour construire un parc s’il n’y a pas d’impact économique, environnemental, sur le transport maritime, ou de conflit d’usage « . Les conflits d’usage en question sont généralement liés à la pêche, aux intérêts de la défense, au tourisme et aux ressources du sous-sol des fonds marins. Côté français, la position qu’exprime Christophe Le Visage face aux conflits d’usages est plus large :  » Nous devons repenser la manière dont il faut gérer le littoral, et passer d’une administration sectorielle (pêche, transport maritime) à une gestion intégrée, pour préparer l’introduction d’un usage permanent : l’éolien en mer « .
Reste le troisième ingrédient : le développement du réseau et les tarifs d’achat de l’électricité éolienne offshore. En France, le réseau dans son état actuel, n’est pas vraiment en mesure d’intégrer l’éolien en mer. De l’avis général, il faudra qu’il soit fortement renforcé pour en être capable :  » Sept à huit ans seront nécessaires pour concrétiser ces projets « , estime Gro de Saint-Martin, directrice de projet Politique de développement au Réseau de Transport d’Electricité (RTE), le gestionnaire du transport de l’électricité en France. Voilà qui nous mène en 2015- 2016 donc… Une coordination des procédures  » parc éolien  » et  » réseau « , pour l’instant indépendantes, est plus que souhaitable pour ne pas se retrouver face à des parcs impossibles à raccorder immédiatement au réseau lorsqu’ils auront commencé à produire. Côté allemand, les projets ont déjà été réfléchis en terme de coordination réseaux- parcs éoliens. Les parcs sont réunis en clusters,  » un raccordement individuel n’ayant pas de sens  » selon Tim Meyerjürgens, le responsable des procédures d’autorisation chez E.on Netz Offshore. Huit clusters sont ainsi prévus dans les eaux allemandes. Mais mauvaise nouvelle pour les coûts, un goulot d’étranglement est aussi prévu dans 4 à 5 ans, du fait de la future demande en câbles de raccordement, et du peu de constructeurs mondiaux capables de fournir. Côté prix de rachat de l’électricité par les distributeurs locaux : en France le prix du mégawatt est fixé à 130 € ; en Allemagne c’est 150 € en moyenne jusqu’en 2015 et selon la profondeur des fermes éoliennes exploitées. Un prix plus attractif certes mais qui laisse le champs libre aux anti-éoliens pour porter l’accusation à peine voilée de greenwashing et de dopage artificiel du marché qui n’ont d’autre effet que de faire monter la facture pour le consommateur. Sans compter d’autres  » avantages  » consentis outre-Rhin et qui font encore plus grincer les pales en mer… Ainsi le ministère fédéral allemand de l’énergie avoue que les investisseurs ne paieront pas le raccordement au réseau. Qui paiera alors ?… La rentabilité d’un projet est de 10% en France, et d’au moins  » 2 points (…) de plus en faveur de l’Allemagne, et ceci malgré des coûts d’exploitation plus élevés du fait de l’éloignement de la côte bien supérieur là-bas « , selon les calculs de Philippe Gouverneur, directeur de l’établissement français du groupe Enertrag, qui construit le premier et (seul) parc français éolien offshore de Veulettes-sur-mer. La modulation des tarifs français d’achat selon la profondeur n’est en tout cas pas à l’ordre du jour (selon le Journal de l’Environnement). La question est épineuse et on comprend que le gouvernement français tarde à y apporter une réponse. Selon un sondage Ademe, les français étaient en 2006, à 93% favorables à l’éolien en général. C’est un chiffre qu’il faut accepter d’entendre même s’il faut sans doute le moduler depuis 2 ans et si de nombreuses voix s’élèvent pour demander un débat public sur la question des prix futurs de l’électricité et des tarifs préférentiels de rachat. De toute évidence les prix de l’électricité augmenteront inéluctablement dans le futur quelle que soit la source d’alimentation choisie… alors autant qu’elle soit renouvelable.
Rappel : aujourd’hui en terme de projets concrétisés côté Allemand : Alpha Ventus, va être le premier parc éolien offshore expérimental. Le projet aurait du commencé à être opérationnel fin 2008 mais des raisons météorologiques ont obligé à repousser au printemps 2009 la construction des premières éoliennes, au large de l’île de Borkum en mer du Nord, à 45 kilomètres des côtes (cf. notre brève du 12/09/2008). Ce n’est pas un secret, plus on construit loin des côtes plus c’est difficile et cher, et en Allemagne l’éolien offshore ne peut être implanté qu’à plus de 30 km des côtes (de 20 à 320 km du littoral). Cette contrainte spécifique n’empêche pas les allemands de maintenir leur objectif de 3.000 MW installés d’ici 2010 et de 10.000 MW d’ici 2020. En France, la contrainte littorale n’est pas la même et tous les projets français sont situés en eaux territoriales (entre 2 et 20 kms des côtes). 15 demandes d’études de faisabilité de raccordement au réseau ont été faites auprès de RTE, pour une capacité totale de 4.100 MW. Les 2/3 des projets se situent en mer du Nord et en Manche. Les autres s’étendent jusqu’à l’embouchure de la Garonne. Très peu sont recensés en Méditerranée côté français (conflit d’usage avec le tourisme) et un seul projet  » nearshore »(en bord de mer) est construit en Camargue (photo de tête). Le seul acteur éolien offshore aujourd’hui actif en Méditérannée reste, pour l’instant, l’Italie (cf nos archives au libellé Italie).
Article : Francis Rousseau
Docs: Sites liés. Journal de l’Environnement. Photos: DP


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