France- U.E. (BREST /NANTES – SAINT NAZAIRE) – 01/03/2010 – energiesdelamer.eu – La semaine dernière Patrick Poupon, directeur du Pôle Mer Bretagne, rappelait dans une interview accordée au journal de la CCI de Brest la volonté du gouvernement français, affichée le 04/12/2009 dans le discours du Premier Ministre, de faire de Brest la seule et unique plate-forme française de développement de Energies Marines Renouvelables (EMR, selon le nouvel acronyme choisi par le gouvernement qui aime bien faire valser les acronymes !).

 

A la question de savoir quand cette nouvelle plate-forme située sur le site d’IFREMER à Brest va fonctionner, Patrick Poupon répond qu’elle « fonctionne déjà officiellement depuis le 8 décembre 2009. Des groupes de travail se réunissent. Il va y avoir une montée en puissance cette année et en 2011 (..) Trois fonctionnalités y seront développées : faire de la recherche pure, gérer les sites d’essais qui serviront aux industriels pour tester leur machine et enfin recevoir les ressources industrielles. »

 

On connaît déjà le site houlomoteur au large du Croisic, il reste à déterminer maintenant les sites hydroliens et surtout éoliens offshore. Patrick Poupon rappelle la promesse du Président de la République de lever € 1 milliard sur le grand emprunt national pour le consacrer à des « instituts d’excellence pour les énergies renouvelables et décarbonées « .

Je me permettrai juste de faire remarquer que la formule est suffisamment vague pour inclure toutes sortes d’énergies et pas forcément les EMR… Concernant les emplois, car c’est ce qui intéresse beaucoup les français depuis déjà quelques années, le journal de la CCI de Brest a posé clairement la question des retombées des activités EMR en termes d’emplois. La réponse de Patrick Poupon est la suivante :  » D’ici un an, il devrait y avoir une cinquantaine d’emplois sur le bassin brestois : techniciens, ingénieurs… A moyen terme, entre 5 et 10 ans,on estime à plusieurs milliers d’emplois le nombre créé sur la région bretonne. Brest aura un rôle moteur à jouer en coopération avec des villes comme Lorient. » Voilà donc une bonne nouvelle pour Brest et sa région … à ceci près que pour beaucoup de français 5 à 10 ans c’est déjà un long terme, mais ce n’est qu’une question d’appréciation finalement !

 

Il y a une autre région en France qui est intéressée par la préservation voire le développement des emplois dans le secteur maritime. (Quel scoop!) Les récentes difficultés des chantiers de Saint-Nazaire et la menace de mise au chômage (un moment évoquée puis heureusement écartée) de 2400 personnes ont relancé le débat sur l’importance de la place portuaire de Nantes Saint-Nazaire, ainsi que des chantiers STX France, face au développement de l’éolien offshore en France. Si l’on ne mentionne que les projets prévus face à la baie de La Baule ou le projet dit « des deux îles » entre Noirmoutier et l’Ile d’Yeu, cela forme un ensemble qui représente plus de 200 éoliennes à transporter, installer, fabriquer au moins partiellement et surtout entretenir dans les années à venir.

 

Inutile de faire un dessin ou de grandes phrases sur le nombre d’emplois que cela peut représenter en termes de manutention portuaire. Le port de Nantes Saint-Nazaire possède d’ailleurs déjà une expérience dans la manutention des éoliennes utilisées pour les parcs terrestres, puisque ces structures, importées ces dernières années par voie maritime, sont déchargées à Montoir avant d’être redirigées vers les parcs terrestres de Loire-Atlantique ou de Vendée. Fort de cette expérience acquise dans la manutention et l’espace de stockage, le port de Nantes Saint-Nazaire est donc bien placé pour servir de base arrière aux chantiers en mer dans l’optique de l’émergence imminente de l’éolien offshore au large des côtes françaises.

 

Il y a quelques mois nous avions publié : « si on parle depuis des années de projets, rien n’a encore vu le jour. Les acteurs de la place portuaire souhaitant passer à la vitesse supérieur déclaraient même alors à ce media. En plus des capacités de manutention et de l’espace disponible, il y a sur la place portuaire tous les savoir-faire disponibles pour développer, à terme, une véritable filière.

Beaucoup d’entreprises sont prêtes à se lancer mais, pour cela, il faut des investissements et une visibilité. Concrètement, il faut que des projets voient le jour ». J’ai assez explicité les raisons de ce retard pour ne pas y revenir en boucle.

 

Le fameux zonage promis par la Préfecture Maritime et qui doit offrir à l’Etat son cadre de référence devrait maintenant trouver un aboutissement imminent. Mais les semaines passent, les mois passent et pendant que les autres construisent, les industriels français, bien qu’impatients, attendent, le doigt posé sur la couture du pantalon. Espérons que le zonage ne demandera pas des années à être établi parce qu’alors il sera carrément trop tard. C’est un peu le sentiment chez WPD offshore qui porte le projet des deux îles et qui déclarait en novembre dernier « Il est impératif de passer à la vitesse supérieure car, si nous arrivons trop tard, ce sera difficile d’être compétitifs ». Selon meretmarine.com, au sein de cette société, on considère que Saint-Nazaire a une énorme carte à jouer.  » La construction du parc engendrera de nombreux emplois en Vendée, mais il faudra aussi un port où réceptionner et assembler les éoliennes. Saint-Nazaire, avec ses vastes quais et ses zones de stockage, est dans une position idéale, d’autant que d’importantes compétences industrielles sont présentes sur la place. Il y a un savoir-faire en matière de chaudronnerie et de tels projets sont parfaits dans le cadre de la stratégie de diversification de la construction navale ».

De leur côté, ramant, si je peux dire, sur leur activité principale, la réalisation de paquebots, les chantiers de Saint-Nazaire ne cachent pas leur intérêt pour le développement de l’éolien offshore. En effet, chez STX France on explique : « L’éolien offshore est un secteur d’avenir. Le développement des énergies marines, et notamment de l’éolien offshore, fait partie de notre politique de diversification. Nous n’en sommes d’ailleurs plus au stade de la réflexion. Nous souhaitons devenir un acteur sur toute la filière, de la construction de navires de pose d’éoliennes à la réalisation de structures métalliques pour les socles de ces machines, ce que nous pouvons faire grâce à notre outil de production ». Outre l’important travail engendré par la fabrication de fondations pour des centaines de machines, le constructeur a répondu à un appel d’offres européen pour la réalisation d’un navire de pose d’éoliennes en mer. Plus qu’une commande unique, STX pense (avec raison) qu’il y a un vrai marché sur lequel s’implanter : « Dans les prochaines années, on estime qu’il faudra construire une quinzaine de navires de pose d’éoliennes. C’est un vrai marché, sur lequel nous devons être, d’autant plus si des projets locaux se concrétisent ». Un porte-parole de STX vient de renouveler ce positionnement dans un entretien réalisé par France 3 le 24 février 2010. Certains n’hésitent pas à voir dans le port de Nantes Saint-Nazaire le futur Bremerhaven français. Ce port allemand qui a connu ces dernières années une importante évolution se trouvait il y a peu encore dans une situation similaire à celle de Nantes Saint Nazaire : un centre de construction navale historique avec plus de 15% de chômage. Le développement de l’éolien offshore en mer du Nord et notamment du centre de construction Multibrid représente aujourd’hui plus de 1000 emplois à Bremerhaven. Il n’est pas irréaliste de penser que le même phénomène pourrait se produire à Nantes Saint-Nazaire. Au-delà de la construction de navires destinés à transporter et à installer les éoliennes en mer et de structures comme la manutention et l’assemblage, les acteurs locaux n’hésitent pas à préconiser l’émergence d’une véritable filière. Actuellement, les nacelles, comprenant les turbines, sont réalisées en Allemagne.

 

Areva, propriétaire de la société allemande Multibrid, dont l’usine de Bremerhaven est dimensionnée pour produire chaque année une centaine de machines de 5 MW (les plus grosses du marché pour l’instant), devrait pouvoir aider à rendre possible en France ce qui l’est en Allemagne.

 

Lorsque le marché français de l’offshore se développera – car il ne faut pas douter que ce sera le cas – et que les industriels français auront suffisamment de visibilité, certaines entreprises pourraient se lancer dans la fabrication. On estime que dans 20 ans, 40% du marché éolien sera offshore et que la France, si elle parvient à prendre le train en route (il est encore juste temps), peut très bien imaginer de construire ses propres nacelles pour les chantiers français puis, ensuite, pour l’export. Pour l’heure, un opérateur allemand (Siemens?), qui a décroché un contrat de pose d’éoliennes offshore, devrait choisir sous peu le chantier de Saint Nazaire pour réaliser un nouveau navire nécessaire à ce type de gros travaux en mer. Pour Saint-Nazaire, ce contrat fait figure de victoire attendue, la première qu’il espère d’une longue liste que nous leur souhaitons.

Article : Francis ROUSSEAU

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