LA JOLLA – (Californie – Etats-Unis) – 26/07/2010 – 3B Conseils – Une certaine agitation règne aux Etats-Unis sur le front des algo carburants depuis que le géant pétrolier ExxonMobil (qui possède donc Esso et Mobil) et le gourou Craig Venter ont fait savoir (ICI) que leur projet d’algo carburant avait franchi un nouveau pas décisif vers sa réalisation commerciale. Je rappelle que l’an dernier, au terme d’un accord passé avec la firme créée par Graig Venter, Synthetic Genomics, Exxon avait injecté 600 millions de dollars dans le démarrage d’une activité de R&D algo carburant dans cette compagnie, qui se proposait d’utiliser le génie génétique pour développer des souches d’algues capables de produire plus efficacement du carburant que celles actuellement testées un peu partout sur la planète. La semaine dernière, les deux partenaires viennent donc officiellement d’ouvrir leur premier site d’essai de production d’algues dans le QG même de Synthetic Genomics, à La Jolla, en Californie.
Cette installation de type culture algale sous serre (cf. photo) est la première étape vers la détermination du fait de savoir si l’algo carburant breveté Synthetic Genomics sera capable de franchir le stade du laboratoire et être produit à une plus grande échelle… ou non. La prochaine étape consistera en une installation de type bassin en plein air que les partenaires se proposent de construire d’ici 2011. On peut effectivement parler de « pas décisif » comme le font Exxon et Synthetic Genomics … mais on peut surtout parler, encore une fois, d’effet d’annonce. Et force est de constater que Synthetic Genomics est passé maître dans cette forme d’art, moderne entre toutes ! Les médias américains ne sont d’ailleurs pas dupes ; ils ont annoncé l’événement tout en signalant que les deux partenaires en faisaient sans doute un peu trop. Ce à quoi Exxon et Synthetic Genomics ont répondu qu’il valait mieux toujours faire savoir que de laisser une telle nouvelle passée inaperçue. C’est imparable ! Et même moi, pourtant très imperméable aux effets d’annonces, je suis obligé de souscrire ! C’est très fort !
En réalité, il s’est passé chez Synthetic Genomics pas mal de choses depuis la signature de l’accord de l’an dernier, en dehors du fait bien entendu que Graig Venter soit devenu officiellement Dieu, puisqu’en mai 2010 il a réussi à créer la première cellule de synthèse bactérienne – en d’autres termes, la première forme de vie artificielle (j’y reviendrai). Au cours de l’année écoulée donc, pour le sujet des algo carburants qui nous occupe, Synthetic Genomics dit d’une part avoir identifié et isolé un grand nombre de souches d’algues candidates à la production éventuelle de carburant, d’autre part rechercher les meilleures conditions dans lesquelles il sera possible de mettre en culture ces souches dans des bioréacteurs, en gardant présent à l’esprit les impératifs à respecter en termes d’émissions de CO2, d’utilisation des sols et de consommation d’eau. Enfin, fort de sa percée sans précédent dans le monde de la vie artificielle, Synthetic Genomics entend privilégier la mise au point des formes de vie synthétique capables d’apporter de nouvelles sources énergétiques, des organismes spécifiquement développés pour exécuter certaines tâches (comme la transformation de sucre en éthanol par exemple) ce qui aboutirait à un processus très efficace de production de carburant. C’est la théorie avancée par le magazine Earth2tech sachant que les organismes de synthèse, au contraire des organismes naturels, sont créés pour ne remplir qu’une fonction à la fois. La production d’algo carburant à partir d’algues génétiquement modifiées (osons le mot !) reste encore cependant un véritable défi… même pour Graig Venter. Le fait nouveau c’est qu’une compagnie pétrolière de la taille d’ExxonMobil s’implique durablement dans le processus de production avec, sans doute, pour ambition de générer des milliards de litres de carburants d’ici à 2050. C’est tout l’enjeu. Et il ne fait plus de doute aujourd’hui que ce sont les grands pétroliers qui détiennent la solution financière de ce problème. Le Department of Energy américain mise lui aussi sur le fantastique pouvoir des algues à produire des carburants. Selon les chiffres cités par ExxonMobil, les algues pourraient produire plus de 2 000 gallons de carburants par acre et par année de production (7 580 litres), contre 2 463 litres par acre et par an pour la palme, 1 705 litres par acre et par an pour le sucre de canne, 947 litres par acre et par an pour le maïs et 190 litres par acre et par an pour le soja.
Un dossier très complet publié l’an dernier par EURACTIV posait même clairement la question de l’avenir exclusif des biocarburants algaux en Europe. C’était une première pour un secteur qui était regardé jusque-là avec scepticisme par les Européens. Raffaello Garofalo, directeur exécutif de l’EABA, Association européenne de la biomasse algaire (tiens on ne dit plus algal ?), affirmait alors les nombreux bénéfices potentiels de l’utilisation des algues dans la production de biocarburants, en particulier le fait qu’elle ne faisait pas concurrence à l’agriculture traditionnelle et n’utilisait pas des terres utilisables pour les cultures alimentaires. Il mettait néanmoins en garde contre un enthousiasme exagéré pour cette technologie, rappelant qu’il restait de nombreux obstacles avant qu’elle puisse être développée à une échelle commerciale. « Il serait irresponsable de vous donner des dates », confiait-il lors de son entretien avec EurActiv. « Nous voulons éviter une «bulle Internet» où les gens spéculeront sur les quantités et prix des microalgues dans le futur. Il y a un investissement considérable dans cette recherche animée par la conviction que des économies d’échelle et l’amélioration des rendements et des productions sont possibles. C’est une question de temps » concluait-il.
En tout cas les grandes compagnies américaines ExxonMobil, Shell, Valero, Honeywell et Boeing sont déjà sérieusement sur la brèche et ne reculent pas devant les investissements à faire dans le domaine.

Article : Francis ROUSSEAU

Docs Sites liés. Photos © Synthetics Genomics.

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