BREST -(France-U.E.) – 19/10/2009 – 3B Conseils – Dans les entretiens Science et Ethique 2009, l’une des tables rondes qui m’a le plus passionné et sur laquelle je reviens ce matin à nouveau, fut celle consacrée à l’économie et au financement des Energies renouvelables marines (ERM) comparé à l’économie des autres sources d’énergies renouvelables actuellement proposées. L’argent étant le nerf de la guerre, il était pour le moins essentiel de savoir quel regard des éminents économistes posaient sur ce secteur. Nous n’avons pas été déçus !

La table ronde réunissait autour d’une intervention de Michel Rocard sur la taxe carbone, Jean-Michel Gauthier, Associé, responsable mondial Energie et Ressources Deloitte, co-responsable de la Chaire Energie & Finance HEC-Deloitte, sur le thème « Les énergies de la mer dans l’équilibre énergétique mondial » et Jean-Michel Maingain pour Federal Finance sur le thème
 » Comment financer les énergies renouvelables de la mer par les marchés ? ». Etaient également présents l’économiste Jean-Marc Daniel, directeur de la revue  » Sociétal », et Alain Clément de l’École Centrale de Nantes, porteur du projet de convertisseur d’énergie des vagues SEAREV.


La brillante présentation de Jean-Michel Gauthier commençait plutôt bien pour les énergies renouvelables par l’histoire du «modèle économique non durable» qu’est notre passé industriel nourri presque exclusivement d’énergies fossiles. Mais l’enthousiasme fut de courte durée et à mesure que les diapositives défilaient on sentait le spectre de la dépression (nerveuse) qui gagnait la salle. Non que Jean-Michel Gauthier eût été ennuyeux d’une quelconque façon ; bien au contraire, son exposé fut aussi brillant et captivant que possible, mais le constat qu’en 2030, plus de 80 % des énergies devraient encore être d’origine fossile (sauf politique mondiale de réduction drastique concertée) jeta un froid dans ce repaire de fans des énergies renouvelables ! Certes ce chiffre représente une baisse par rapport à l’époque présente où les énergies fossiles entrent pour 90% dans l’approvisionnement énergétique mondial, mais, dans la démonstration de J.-M. Gauthier, il faut encore attendre 2050 pour que la part des renouvelables soit significative. Si pour cet expert bien connu de l’énergie, «l’ère du pétrole facile à exploiter et bon marché appartient au passé» le salut ne viendra pas forcément de là où on attend. A l’ère des énergies fossiles «sales» pourrait succéder l’ère du charbon propre (c’est d’ailleurs le pari qu’est en train de prendre en ce moment même le gouvernement des Etats-Unis) et l’ère du solaire, reléguant l’installation des énergies renouvelables marines au rang des apparitions tardives sur la scène de ce siècle et, de toute façon, au rang des rôles de compléments. «A l’horizon 2030, les énergies de la houle et de la marée ne concernent que l’OCDE et n’apportent qu’un complément marginal à la lutte contre le changement climatique» (cf. slide élaborée par J. M. Gauthier à partir des sources IEA, WEO 2008). Dans ce scénario énergétique vertueux où les premiers rôles sont tenus par le charbon propre, le solaire et l’éolien, «les énergies de la mer n’arrivent qu’après 2030». J.- M. Gauthier a beaucoup insisté sur les liens entre développement des renouvelables (et donc des renouvelables marines) et augmentation des prix du pétrole. «La chute des prix du pétrole est la pire nouvelle» pour l’investissement dans les renouvelables. Pas de bol ! C’est précisément la période que nous traversons, où bon nombre de projets sont retardés voir remis sine die parce que complètement inéconomiques en dessous de 80 US$/baril de pétrole. Alain Clément de l’École Centrale de Nantes, porteur du projet français de récupérateur d’énergie des vagues SEAREV, présent à cette table ronde, a pu confirmer cette marche arrière des investisseurs sur les projets innovants (et en particulier sur le sien). Il n’est, bien entendu, pas le seul dans ce cas, et il n’est guère qu‘une énorme structure comme DCNS pour annoncer aujourd’hui des investissements dans un projet aussi innovant que celui de l’usine pilote E.T.M. de La Réunion. Cependant cette chute des prix pétroliers risque fort de ne pas durer et à moyen terme, selon notre expert de chez Deloitte, c’est à une violente remontée des prix à laquelle il faut s’attendre. Bonne nouvelle donc pour les ERM ? Et bien non pas si sûr ! Car qui dit prix élevé dit baisse de la consommation et donc baisse du CO2, qui est, je le rappelle au passage et sans mauvais jeu de mots, le moteur du développement des énergies renouvelables en général. Puisque le CO2 baisse à quoi bon se risquer à investir dans des technologies renouvelables révolutionnaires. Donc effet paradoxal et néanmoins pervers de la crise financière, le report de projets renouvelables nous conduit vers une «recarbonisation» automatique de notre économie à moyen terme. Peut-être alors se tournera-t-on vers les compléments pour faire face à une situation dont on ne peut pas douter qu’elle soit une situation de crise. On voit bien dans ce scénario que, quel que soit le cas de figure, l’appel aux renouvelables de la mer ne sera à la hauteur de ses immenses capacités de production que dans la seconde moitié du siècle. Mais on voit aussi que l’on aura du mal à se passer d’elles ; même pour une part infime, elles devront entrer dans le mix énergétique capable de sauver la planète (puisqu’il est aussi accessoirement question de ça !) de la catastrophe climatique annoncée par les pythies du genre.


L’autre intervenant de poids dans ce débat économique était Jean-Michel Maingain de Fédéral Finance (filiale a 100% de Crédit Mutuel Arkéa, 16ème société de gestion française) dont il faut rappeler qu’elle est une des premières structures financières française à s’engager aussi fortement dans le domaine de l’environnement avec deux fonds labellisés par Novethic (Federal Actions Ethiques, Federal Europe ISR) et un fonds thématique environnement : Planète Bleue. La démonstration de Jean Michel Maingain a commencé sur « le constat indéniable d’investissements croissants depuis 2004 », (grâce aux soutiens politiques en grande partie) dans le domaine des énergies renouvelables (cf. slide élaborée par Federal Finance à partir de sources New Energy Finance). Sans grande surprise, parmi ces énergies, c’est en 2009 et en termes d’opérations financières, l’éolien qui arrive largement en tête avec $23 635 millions devant le solaire avec $3 310 millions, les énergies de la mer arrivant en queue de peloton avec $5 millions. 2009 marque cependant une pause mais une forte croissance des opérations financières dans ce domaine devrait se dessiner en Asie (Chine) et aux Etats-Unis entre 2010 et 2020. Le marché éolien offshore qui n’est pas à proprement parler classé dans les renouvelables marines, et malgré la forte croissance qu’il a connue depuis 2007 en Europe du Nord, n’inspire cependant toujours que prudence chez les investisseurs, assez nerveux sur l’incertitude des coûts des projets et les besoins logistiques importants à développer (bateaux, entretien, etc.). Concernant les énergies marines, hors éolien offshore, c’est l’Europe qui arrive en tête des investissements avec 25% des investissements au Royaume-Uni. Cependant l’écho du monde de la finance répercuté par Federal Finance et Jean-Michel Maingain, concernant ce secteur n’est pas forcément très positif non plus ; le monde de la finance considère en effet les technologies marines comme «peu matures pour les marchés financiers», les montants sont marginaux et volatils et la taille même du marché trop faible. Pas assez matures pour se financer publiquement sur les marchés actions, ces technologies doivent plutôt rechercher à se faire référencer par les fonds de private equity cleantech, dont les levées de fonds sont aujourd’hui au même niveau que la biotech, notamment aux Etats-Unis. Fédéral Finance constate que son intérêt d’investisseur le conduit à porter le regard vers les développements de l’éolien offshore, notamment en ce qui concerne les technologies de flottaison mais également la production d’algo-biocarburants, domaine dont je n’arrêterai pas d‘écrire sur ce blog qu’il est prometteur, même si je m’attire les foudres de tous les autres lobbies. Jean Michel Maingain, pour Federal Finance, a conclu de façon plutôt optimiste que « le développement dans le secteur des technologies environnementales va continuer à croître fortement dans les quinze prochaines années » et, qu’en « lien avec elles, les technologies marines devraient accélérer leur croissance ». C’est pourquoi les plus vifs encouragements sont adressés aux acteurs qui sont déjà présents sur le secteur. Et lorsque l’encouragement, même vif, ne suffit pas à nourrir son homme, des structures comme Federal Finance encouragent à se rapprocher de capitaux privés.

Il va donc falloir beaucoup d’imagination et de courage aux chercheurs de ces domaines novateurs pour continuer à exister. M’est-il permis de signaler à ceux d’entre eux qui lisent ce blog, et je sais qu’ils sont nombreux, que l’imagination en matière de communication sur leur projet fait aussi partie de ce qui peut les aider. Pour le reste nombreux sont ceux qui pensent aujourd’hui que la crise climatique n’a pas d’issue négociable. Je suis bien entendu de ceux là. C’est pourquoi je crois à l’avenir des énergies renouvelables marines, même rapportées au rang d’actrices de complément.

Article : Francis ROUSSEAU

Docs : Sites liés et Entretiens Science et éthique 2009. Photos : Slide 1 © J. M. Gauthier ©Deloitte © IEA ©WEO. Slide 2 © J. M. Gauthier ©Deloitte © IEA ©WEO. Slide 3 © Jean-Michel Maingain, Federal Finance.
Vous pourreez retrouvez d’ici quelques jours les videos de ces interventions in extenso sur les sites de Canal C2 (ICI) ou pour certaines d’entre elles, sur celui des Web Trotters ICI

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