PAPEETE – (Polynésie Française – France) – 15/03/2010- 3B Conseils – Selon le journal Tahiti Presse du 9 mars 2010 l’étude de faisabilité d’une centrale thermique des mers en Polynésie Française, dont le protocole d’accord Etat/Pays/partenaires privés a été signé début février (cf. notre article ICI) est désormais sur les rails. Théoriquement si l’on en croit les protagonistes, et bien que (hélas!) l’expérience ait prouvé qu’il faille être très prudent avec les annonces de projet d’E.T.M. en Polynésie Française, il serait possible d’ici un an de chiffrer la réalisation de ce projet ambitieux.
Le projet placerait dès lors la Polynésie Française non pas comme « le fer de lance mondial » de cette technologie, comme l’annonce avec un peu trop d’enthousiasme la presse polynésienne, mais en bonne place dans cette course mondiale assurant à la France, si l’on compte l’expérimentation similaire menée à l’Ile de La Réunion (rechercher nos divers articles sur ce sujet), le leadership mondial (ou la chefferie comme disent les québécois !) dans le domaine de l’exploitation de l’Energie Thermique des Mers. Pour le coup donc la France reprendrait la main sur cette technologie qu’elle a inventée voici… 80 ans (et oui le temps passe même pour les technologies !). Je rappelle en effet une fois de plus au lecteur de ce blog que le principe inventé par le français Georges Claude dans les années 1930 a été étudié depuis plusieurs décennies, que plusieurs expérimentations ont été menées depuis les années 70, en Inde, au Japon et à Hawaï et qu’un projet de centrale de 5 MW a même été développé en Polynésie Française par l’IFREMER/CNEXO, au début des années 1980 pour être soudainement abandonné (d’où ma prudence dans l’annonce!).
Les années 2010 sonnent donc le retour officiel et spectaculaire de l’E.T.M. en Polynésie Française !!!! Alléluia ! Je rappelle à toutes fins utiles que l’Energie Thermique des Mers (E.T.M. en français / OTEC en anglais) est un système qui utilise la différence de température qui existe naturellement entre les eaux de surface des mers de la ceinture tropicale (22 à 28 degrés) et les eaux des profondeurs (4 à 6 degrés) pour produire de l’énergie électrique. Le projet de cette seconde première centrale industrielle d’Energie Thermique des Mers en Polynésie (si je peux dire) a donc été présenté en grande pompe (!) à la presse le mardi 9 mars 2010 à la résidence du haut-commissariat. « Un tel projet est important pour l’image de la Polynésie Française », a précisé Eric Berthon, secrétaire général adjoint du haut-commissariat, en rappelant que « c’est une entreprise polynésienne qui en est le maître d’ouvrage, avec des partenaires privés puissants et le soutien des pouvoirs publics ». En effet il a été clairement annoncé que l’application industrielle de cette technologie nécessitait une maîtrise technologique qui ne pouvait aboutir qu’en conjuguant les compétences et les expériences. Ce dernier projet est donc présenté par un consortium composé de la société polynésienne Pacific OTEC, du centre de R&D japonais Xenesys et de DCNS (partenaire de ce blog et acteur européen de tout premier plan sur le marché mondial des systèmes navals de défense). Le premier partenaire revendique la maîtrise de la conversion thermique de l’eau; DCNS avance ses compétences au niveau de l’intégration du système d’ancrage de la plate-forme off-shore où seront installées les unités de production énergétique. La solidité financière de DCNS (3 milliards d’euros de chiffres d’affaires) a beaucoup compté pour emporter l’engagement de la France (50%) et de la Polynésie Française (20%) dans le financement de l’étude de faisabilité d’environ 1 million d’euros, officiellement lancée en février.
L’étude de faisabilité devrait donc se poursuivre durant une année. Elle devra déterminer la puissance de production électrique (entre 5 et 10 MW) de la future centrale flottante, son lieu d’installation (entre 5 et 10 km des côtes de Tahiti), au-dessus de fonds de 1300 mètres de profondeur. Elle permettra également de chiffrer le coût d’intégration de ce système à l’intérieur de l’architecture navale d’une plateforme semi-immergée dont la structure principale d’un diamètre de 50 m sera stabilisée à une profondeur de 25 m sous la surface de l’eau. Un calendrier précis de réalisation devra être élaboré qui prévoit que dans l’état actuel des réflexions, cette structure pourrait être opérationnelle d’ici cinq ans. Elle pourrait fournir l’équivalent de 10% de la production électrique de Tahiti.
Si cela n’est pas suffisant pour parler d’indépendance énergétique de la Polynésie, c’est au moins un premier pas vers cette indépendance. Il ne faut pas douter, ces 10% alliés à d’autres sources de production électrique renouvelables marines (houle, courant, vent) ou autres (solaire…) pourraient finir par assurer en Polynésie comme dans d’autres territoires insulaires de la planète une véritable indépendance énergétique. Les régions intertropicales sont en effet particulièrement adaptées à la technologie E.T.M. et plus de 100 pays, dont 17 zones « francophiles », auront intérêt à s’équiper d’un tel système, d’ici 2030.
Par ailleurs, dans une seconde étape de développement du projet, une plate-forme off-shore E.T.M. peut aussi abriter de nombreuses possibilités de valorisation des eaux profondes : le SWAC pour l’air conditionné à l’eau de mer froide, mais aussi une unité de production d’hydrogène, une autre d’extraction de métaux rares ou de lithium. On peut enfin y développer des produits intéressants autour de l’aquaculture, la thalassothérapie, la cosmétologie et l’agroalimentaire… « Le plus dur, c’est le prototype », a expliqué Patrick Moux, de Pacific OTEC, qui ambitionne l’objectif d’être le premier exploitant de centrale E.T.M. au monde.

Article : Francis ROUSSEAU

Docs. Sites lés. Photo © Pacific OTEC


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