Algérie – France – 17/03/2012 – energiesdelamer.eu / mer-veille.com

Jean-Louis Levet* et Mourad Preure** tracent des lignes d’un rapprochement entre l’Algérie et la France qu’ils estiment inéluctable.
Ce n’est pas seulement un livre sur l’histoire des relations entre les deux pays, mais une mise en perspective d’une convention de partenariat entre l’Algérie et la France, signée et ratifié par les deux Parlements en 2008 par l’Algérie et en 2010 et dont nous devons dépasser le seul constat ».
Ils proposent un ensemble d’orientations pour un partenariat privilégié qui pourrait être un socle de développement économique en Méditerranée.

 

 

 

Ce livre « FRANCE ALGERIE Le grand malentendu » est le résultat d’une rencontre à Alger en 2009, lors d’un colloque sur l’économie industrielle et l’intelligence économique.
Mourad Preure, spécialiste international de l’énergie, ne croit pas en « une intégration méditerranéenne, en revanche (il est convaincu) de la viabilité et de la nécessité d’une intégration de la Méditerranée occidentale qui est un espace géopolitique pertinent… où ses leaders naturels sont l’Algérie et la France, puissances majeures des deux rives ».

Avant d’aborder ce dialogue descriptif écrit à 4 mains, revenons sur des points de repères qui expliquent l’extrême sensibilité et lucidité avec laquelle les deux auteurs se projettent dans l’avenir.

 

Le 18 mars 2012 marque l’anniversaire des 60 ans de la signature des accords d’Evian qui mettait fin à 130 ans de souveraineté française en Algérie qui est le point de départ du livre. Le 8 mai 1945, le jour de la victoire alliée sur le nazisme, de violentes émeutes éclatent à Sétif aux cris de «Istiqlal [Indépendance], libérez Messali» (ICI – cf. Hérode) le leader du PPA. Elles s’étendent à Guelma, Kherrata, et dans une partie du Constantinois, des provocations suivies d’émeutes qui vont provoquer, en un premier temps, la mort de 139 européens et une répression incontrôlée qui frappera près de 40 000 personnes (morts et blessés), en quasi totalité des «indigènes» musulmans. cf. Hérode.

 

 

Lundi 19 mars, France 24 consacre son magazine de 18h30 à 20h à l’Algérie avec comme premier invité Jean Louis Levet

Le livre

La première partie est l’approche de la guerre d’Algérie décrit avec ses conséquences par deux hommes qui engagent un dialogue sur les déchirements vécus dans leur adolescence, leurs engagements politiques, les doubles repères, celui de Mourad Preure tourné vers le Moyen-Orient, celui de Jean-Louis Levet tourné vers l’Occident.

Mourad Preure évoque son engagement patriotique alors que la « pensée politique de gauche (était) fortement teintée de tiers-mondialisme, (qui) dominait le discours officiel. … la question du tamazight est fondamentale dans notre identité. Nous sommes des Amazighs : des hommes libres. Notre projet était de construire la nation et la démocratie, la démocratie économique et pas seulement politique… Même Boumediène, sur la fin de sa vie, tenait un discours très à gauche…. indépendamment de son rapprochement avec Moscou ». Where is a will, there is a way! Où il y a une volonté, il y a un chemin. (citations attribuée à Jaurès, Lénine, Churchill)

Jean-Louis Levet revient sur les périodes douloureuses vécues par des Français d’Algérie et l’attitude politique du général de Gaulle (p. 108-111) dont « l’objectif était de se débarrasser de la question algérienne, le plus rapidement possible et par tous les moyens, pour se recentrer sur la modernisation économique et technologique de la France et sur sa place en Europe ».
Il évoque aussi l’Histoire avec ses sentiments sur « le 26 mars 1962 à Alger rue d’Isly et le 5 juillet dans les rues d’Oran …, les deux lois votées en France, celle 18 octobre 1999 sur la reconnaissance de l' »état de guerre en Algérie » et la deuxième loi de février 2005 qui marque la – reconnaissance de la nation aux hommes et aux femmes qui ont participé à l’oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie – qui pourrait avoir ranimé dans l’opinion une image des français d’Algérie qui formeraient une communauté aigrie, ne comprenant rien à ce que fut le système colonial, enfin de l’amendement finalement supprimé en janvier 2006, qui parlait des effets positifs de la colonisation ».

La deuxième partie propose notamment, une analyse des mouvements du monde arabe en Tunisie, en Egypte, en Lybie … du rôle des Etats-Unis, des Armées, un retour sur les protestations de la jeunesse algérienne en 1954 puis en 1988 qui souhaitait « vivre pleinement l’indépendance (et) qui a mis à terre le système du parti unique »….

La troisième partie évoque naturellement toutes les contraintes et les ouvertures possibles proposées par « Nicolas Sarkozy en décembre 2007, grâce à une convention cadre de partenariat entre les deux pays dont les trois objectifs sont :
– former le capital humain, notamment en créant une université commune pour former les élites des deux pays,
– moderniser les secteurs productifs et les aider à ouvrir des filières industrielles performantes,
– moderniser les administrations algériennes. (voir CE)

« Mais aujourd’hui, (d’après Mourad Preure) les objectifs ambitieux et optimistes ne sont traduits dans aucun acte et la convoitise de l’Algérie est comme celle d’un marché comme d’un autre. Renault pousse le cynisme, au moment où elle promet de construire une usine à Tanger (qui a été inaugurée en février 2012 Ici), d’annoncer dans la presse la création d’une académie pour former des vendeurs en Algérie ».

Mourad Preure rappelle que la Méditerranée se caractérise aussi par la disparité entre le Nord et le Sud, en matière énergétique. Elle est importante parce que c’est une route pour l’approvisionnement énergétique pour l’Europe…. Comme le note le rapport ***Mandil remis le 21 avril 2008 au Premier Ministre, François Fillon (Ici) :  » La soi-disant « indépendance énergétique » est non seulement irréalisable pour la plupart des pays développés, mais l’utilisation du critère de taux de dépendance risque de conduire à des décisions absurdes pour la croissance et la protection de l’environnement, comme le développement très coûteux de biocarburants de première génération produits en Europe ».

L’Algérie, producteur de gaz et de pétrole se fixe pour objectif une part de 40% de renouvelables dans la consommation nationale en 2020. 60 projets sont à l’étude pour produire 2 500 à 3 000 MW d’électricité, notamment Desertec ou Transgreen. Le Dr. Mourad Preure avait une opinion réservée sur ces projets bien que favorisant une R&D ambitieuse. Il préconise que « l’Algérie joue un rôle d’acteur et non plus de source d’approvisionnement énergétique, bien que les ressources fossiles de l’Algérie ne permettent pas d’imposer le pays comme source sur le long terme » voir article paru dans La Liberté le 30 nov. 2011 (Ici).

Toute la richesse de ce livre est de nous offrir une large revue de notre Histoire commune, des luttes pour l’indépendance, de nos divergences avec le parti-pris de recréer des bases de collaborations économiques, sociales, politiques et scientifiques.

Les auteurs
*Jean-Louis Levet, économiste, né à 1955 à Sétif a été conseiller industriel à Matignon, sous la gauche, au Commissariat au Plan. Il a dirigé durant trois ans (2009-2011) l’Institut de Recherches Economiques et Sociales lié aux organisations syndicales. Il est depuis le 26 janvier 2011, conseiller auprès de René Ricol, le commissaire général aux investissements (CGI), chargé de superviser les questions de réindustrialisation pour les investissements d’avenir. Il devra réfléchir à l’élaboration d’une grille pour évaluer l’impact réel de chaque investissement du CGI. C’est également un spécialiste des politiques industrielles allemandes et de l’espace euro-méditerranéen.
** Mourad Preure a été responsable de la stratégie de la Sonatrach. Il est enseignant et préside un cabinet conseil ELMERGY spécialisé dans les questions énergétiques. C’est un des spécialistes internationaux des hydrocarbures et de la géopolitique de l’énergie. Il est également poète et écrivain. Cliquer sur son blog (ICI). A la tête de la stratégie de Sonatrach, dans les années 1990, il a été l’animateur de son processus de modernisation. Il a été le père du projet de la première corporate university dans cette entreprise. Il a été aussi le concepteur d’un système d’intelligence économique qui avait connu un début d’application à Sonatrach.

Jean-Louis Levet et Mourad Preure sont auteurs de nombreux ouvrages économiques de politique industrielle et de politique énergétique.
Jugeant l’Union pour la Méditerranée très ou trop « dispersée », ils appellent de leurs voeux pour la structuration de la Méditerranée occidentale, un axe Paris-Alger qui serait l’équivalent du Paris-Berlin de l’Union européenne (article du 14 mars cercle les Echos de Sabine Delanglade ICI )

«France-Algérie, le grand malentendu» Février 2012 – 324 pages – de Jean-Louis Levet et Mourad Preure, avec comme « modérateur » Stéphane Bugat. www.editionsarchipel.com

Les références :
Programme européen MEDA (Ici)
Les accords de coopération de 1995, anciennement appelés « processus de Barcelone« , ont été relancés en 2008 et rebaptisés Union pour la Méditerranée en 2007 (Ici)
Sécurité énergétique : des propositions pour l’Europe (Ici) *** Claude Mandil ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie ».
Michel Ricard, Titulaire de la chaire UNESCO francophone « Education, formation et recherche au développement durable » (Ici), Président de l’Université Virtuelle Environnement et développement durable » (UVAD Ici).
A écouter ou à réécouter, France Culture le 16 mars 2012 qui a consacré cette journée aux accords d’Evian et à l’Algérie. Mourad Preure était l’invité de l’émission Magazine de la rédaction : Entre l’attirance et la blessure (Quand le cousin algérien regarde la France) avec un reportage de Nabile Amel. Dans les émissions du matin Thierry Garcin et Eric Laurent consacré les enjeux internationaux aux « Relations particulières franco-algériennes.)
et toute la semaine Emmanuel Laurentin traite « Le goût de l’Algérie » dans son émission La Fabrique de l’Histoire sur France Culture.

Sur le blog des énergies de la mer et le portail mer-veille.com
A relire l’article de Francis Rousseau sur THALA Energy : un système houlomoteur nearshore algérien (10 février 2012 – ICI), pour en savoir abonnez-vous à mer-veille.com


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